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CRITIQUE.

n’y retrouve le savoir et le beau langage qui n’abandonnent jamais M. Gratry : mais sa dissertation sur le lieu de l’immortalité nous a semblé confuse et pénible. La vivacité de la foi et l’ardeur de la pensée y sont mal servies par une langue rebelle, une science impuissante : c’est un feu sans lumière. Nous avons été également surpris d’y voir M. Gratry louer sans réserve les idées du grand naturaliste Geoffroy Saint-Hilaire. En vérité, M. Gratry, vous n’y pensez pas : vous voilà en plein panthéisme. L’unité de composition, qui efface toute distinction essentielle entre les animaux ; l’arrêt de développement, qui explique le smonstres ; la théorie des analogues, qui retrouve un plan invariable sous toutes les diversités produites par les conditions variables de la vie ; le balancementdes organes, qui accorde à tous les êtres la même quantité de vie ; qu’est-ce que tout cela, grand Dieu, sinon le panthéisme le plus pur, l’annulation des différences, la destruction de l’individu au profit d’un être vague et indéterminé. Goethe ne s’y est pas trompé. Lorsque Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire remplissaient de leurs controverses et l’Académie des sciences et l’Europe attentive, Goethe intervint pour donner raison à Geoffroy-Saint-Hilaire, tort à Cuvier.

Que conclure de tout ceci ? Que M. Gratry est un esprit charmant et supérieur, et qu’il ne faut pas appeler le bras séculier au service de la vérité offensée. Le bras séculier est très-prompt et ses atteintes sont incurables : il emporte le malade avec le mal.

F. Dulamon.