Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/427

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
419
CRITIQUE.

ERREURS LITTÉRAIRES
LE VÉRITABLE AUTEUR DU POËME SUR LA MORT.

Ce poëme, écrit dans la seconde moitié du xiiie siècle, a été attribué par M. Ampère, et, après lui, par M. Viollet-Leduc, à Thibaut de Marly. Or, le véritable auteur est un moine de Froidmont nommé Hélinand. — Nous allons apporter nos preuves à l’appui. — Disons d’abord ce qu’était Hélinand.

Poëte du temps de Louis le Jeune et de Philippe-Auguste, Hélinand naquit à Pronleroy, dans le Beauvaisis. Passionné comme les hommes d’une imagination vive, il aimait les plaisirs jusqu’à la débauche. Philosophe de l’école d’Abailard, il s était arrangé, avec une aisance tout épicurienne, une vie pleine de diversion et de folie, refaisant à son usage la morale plus sévère de son maître. Il passa les jours de sa jeunesse à la suite des grands, circumiens terram, perambulans, eam aut adulando, aut objurgando, en véritable fou de roi. Aussi, comme il nous l’apprend de lui-même par la plume de Loisel, ses saillies et sa joyeuse humeur le firent-elles aimer de Philippe-Auguste. Il chantait pour récréer ses Mécènes, et, s’il faut en croire la haute opinion qu’il n’a pas oublié de nous transmettre de son propre mérite, il n y avait pas une scène, pas un cirque, pas un théâtre, pas un forum, pas un carrefour, pas une académie, pas une arène qui n’eût entendu parler de lui.

Alexandre de Paris, dans son manuscrit d’Alexandre le Grand, nous apprend, en effet, qu’après le repas du roi, il était d’usage de faire venir Hélinand pour lui chanter quelque sujet mythologique.


Quand li roi ot mangié, s’apela Hélinand ;
Pour li esbanoyer commanda que il chant.
Cil commence à noter ainsi com’li iayant,
Monter voldrent au ciel, comme gent mescréant ;
Entre les diex y ot une bataille grant,
Si ne fust Jupiter à sa foudre bruyant
Qui tous les deseroclia, jà n’éussent garant.