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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/439

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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Miettes d’amour, par Fernand Belligéra.

Il est charmant d’avoir vingt ans, d’aimer, de rimer ses amours, de les enfermer dans un petit livre comme on emprisonne des oiseaux dans une cage, mais peut-être serait-il prudent de réfléchir un peu et de ne pas jeter à brûle-pourpoint sa jeunesse au nez des gens. M. Fernand Belligéra a beaucoup aimé ; lui sera-t -il beaucoup pardonné ? Il faut lire son livre, son cœur, si vous voulez, car il vous les ouvre tout grands et sans cette pudeur délicate qui est la grâce suprême de la sagesse. Ce jeune poëte, dont les vers manquent de barbe comme leur auteur, s’est promené à droite et à gauche dans le pays où l’on aime. Ses chansons ont parfois la jupe courte, mais que vous importe si la jambe est belle ? Miettes d’amour ! Ce titre ressemble fort à une épigramme, et, croyez-le bien, c’en est une. M. Belligéra, malgré l’agilité de ses vingt ans, n’a pas eu le temps d’entrer dans Cythère même, il a rôdé dans les faubourgs de cette ville idéale où tout le monde veut aller. Ce n’est pas sa faute, après tout, s’il s’est amusé, lyre au dos, à causer avec la brune et la blonde, car si chacun de nous avait le courage d’avoir de la mémoire, il oserait lire le livre de M. Fernand Belligéra et l’absoudre. Ces vers-là sautillent, frétillent, ils essaient le sourire, mais on sent sous cette joie échevelée un peu de tristesse dont je sais gré à l’auteur. Ce n’est pas précisément gai de jeter son bonnet par-dessus les moulins et de le dire en vers. Soyez poëtes, vous qui,rimez, ou faites des perruques, comme disait Voltaire à André ; mettez-vous la main sur le cœur, comptez-en les battements, et si vous avez le bonheur d’avoir des larmes, remerciez Dieu et laissez-les tomber sur ces pages que vous offrez à des amis inconnus, ceux qui vous liront et qui vous aimeront, si vous le méritez.

Les Miettes d’amour ne sont pas précisément un bon livre ; est-ce une promesse, une espérance ? Je le crois, car M. Belligéra ne manque ni de verve ni d’esprit. Peut-être serait-ce un bon conseil à donner que de dire aux jeunes gens d’attendre que les heures, si vite enfuies, aient mûri et doré les fruits de leur pensée avant de les cueillir. Chacun est libre dans ce monde, et je crois qu’il y a des gens qui aiment le verjus. Les poésies de M. Fernand Belligéra n’ont pas assez attendu, mais je ne connais qu’une façon de faire la nique aux critiques, c’est d’écouter leurs bienveillants conseils, de leur pardonner leurs petites vérités et de les ennuyer par un nouveau livre, meilleur ou excellent.