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LE SPHYNX.
III

Le petit bois capricieux, où le dandy s’était jeté si étourdiment, serpentait d’abord comme un méandre au milieu des champs cultivés, puis il s’élargissait tout à coup et se confondait avec les hautes futaies qui enveloppent tout le pays. L’aventureux Arsène ne tarda pas à s’apercevoir qu’il s’égarait de plus en plus dans ces vertes solitudes, et il voulut revenir sur ses pas ; mais, à regagner sur la lisière de la forêt les halliers épineux du taillis, il perdit encore une heure. Des cris, ceux du maire sans doute, retentissaient dans le lointain : Arsène dépité rentrait alors dans la clairière qu’il avait traversée en compagnie de Georges et qu’il ne reconnut pas. Le bois, à sa droite, cessait brusquement ; à gauche, il s’étendait plus loin que sa vue, et la pente de l’allée qu’il venait de descendre s’inclinaitpar derrière, muette et déserte, au-dessus de lui. Georges avait surnommé Julie Moreau la Déesse invisible : ce n’était donc pas à tort. Cependant une voix inconnue, une voix toute neuve, la voix de son désir, disait au bel Onfray que la jeune veuve n’était pas sortie du bois.

Elle y demeurait plutôt blottie sous le couvert le plus obscur de la ramée, n’osant plus rentrer dans le bourg. Arsène s’avisa de penser qu’elle l’avait peut-être aperçu et qu’elle se cachait. Mais une autre supposition qui lui vint détruisit celle-là. Si madame Julie n’avait pas quitté le taillis, elle avait bien pu s’enfoncer dans la forêt. Dans la forêt ? qui l’y appelait ? Elle y était peut-être attendue !

En ce moment Arsène resongeait pour la première fois à certain dé-