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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/459

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LE SPHYNX.

— Hé ! le grand malheur si ce charmant ami nous écoutait, s’écria madame Moreau toujours en aigreur. Il apprendrait combien nous tenons à lui.

— En votre qualité de maire, vous devez tout savoir, reprit rimpitoyable châtelaine. Ne me direz-vous pas au moins où M. Onfray…

— S’est fait piquer ? interrompit la mairesse. Oui, c’est cela. — Elle croyait fermement que les serpents piquent.

— Piquer, soit, dit Anna. Il est certain que ce n’est point à la table du marquis.

— Oh ! pour cela non, c’est dans le bois, s’écria naïvement le bonhomme.

— Vous y étiez donc, vous avez donc vu ? interrompirent les deux femmes. — La curiosité de la mairesse venait aussi d’entrer enjeu.

— J’aurais assurément pu m’y rencontrer, balbutia le vieux Normand, mais…

— Mais quoi ?

— Oui, quoi ? Parlerez-vous une fois clairement, monsieur Moreau ? dit Eléonore.

Le maire n’avait garde de parler ni de relever la tête. Ce n’était pas qu’il n’eût déjà trouvé son échappatoire, mais il n’osait encore s’en servir. — C’était un Normand peu hardi.

— Et qu’alliez-vous faire dans le bois ? poursuivit la mairesse. Que ne restiez-vous auprès de moi, ou dans la maison du défunt à écheniller l’abricotier ? Oui, oui… je vous devine… Vous allez dire que vous étiez à la mairie ; vous y faisiez sans doute un mariage ?… Ah ! monsieur Moreau, ajouta-t-elle en le prenant par le bras, voulez-vous que je vous le dise enfin ? Eh bien ! j’ai des soupçons… Votre belle-sœur, ce jour-là, était sortie…

— Cette femme était sortie ? s’écria madame du Songeux. Le maire haussa les épaules. Eléonore, en le voyant, crut qu’elle rêvait, et sa colère ne put trouver un mot.

— Ma bonne amie, dit-il d’une voix emmiellée, je hausse les épaules, parce que vous parlez si vite, madame du Songeux et toi, que je n’ai pas le temps de vous répondre. — Madame, reprit-il en se tournant vers Anna, je vous assure que vous saurez tout.

— Dites-le donc, murmura-t-elle.