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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/480

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LE PRÉSENT.

Que ton cœur s’endurcit dans un esprit mauvais ;
C’en est assez ; j’ai fait plus que je ne devais.
Un dernier mot encor : — n’enfreins pas ma défense ;
Une ombre de salut te reste, — le silence.
Dieu seul te jugera, s’il ne l’a déjà fait ;
Sa colère est sur toi ; n’en hâte point l’effet.


HYPATIE

Je ne puis oublier, en un silence lâche,
Le soin de mon honneur et ma suprême tâche,
Celle de confesser librement sous les cieux
Le beau, le vrai, le bien qu’ont révélés les dieux.
Depuis deux jours déjà, comme une écume vile,
Les moines du désert abondent dans la ville,
Pieds nus, la barbe inculte et les cheveux souillés,
Tous maigris par le jeûne et du soleil brûlés.
On prétend qu’un projet sinistre et fanatique
Amène parmi nous cette horde extatique.
C’est bien. Je sais mourir, et suis fière du choix
Dont m’honorent les dieux une dernière fois,
Cependant, je rends grâce à ta sollicitude,
Et n’attends plus de toi qu’un peu de solitude.


Leconte de Lisle.