Une page manque encore à l’histoire de la littérature en France ; c’est l’Histoire du Journal. N’est-ce pas dans cette époque si turbulente, si disputante, que l’historien futur, — que j’appelle de tous mes vœux, si la force ou le talent me manquent pour le prévenir, — en devra chercher les origines ? Non pas tant dans les ordinaires et extraordinaires de Théophraste Renaudot, ni dans les chroniquesrimées de Jean Loret et de Subligny, mais surtout dans les correspondances, dans les polémiques, préfaces, pamphlets, libelles, etc. Certaines lettres de madame de Sévigné, toutes remplies d’appréciations littéraires, de l’impressionde ses lectures ou de ses soirées au théâtre, ne sont-elles pas de véritables feuilletons ? Les disputes de Girac avec Costar, de Balzac avec le P. André, de Ménage avec Baillet, que sont-elles, sinon des polémiques de journalistes ? Et les préfaces de Corneille ! et les diatribes de Scudéry, entre lesquelles l’Académie intervient avec l’autorité d’un communiqué ou d’un premier-Paris du Moniteur ! Et pour prendre une autre veine, les Mazarinades, ces pamphlets dont le nombre équivaut à une périodicité plus que quotidienne, que sont-ils autre chose qu’un petit journal ?
Le besoin de se quereller par devant le public et de dire son mot au jour et à l’heure devait naître nécessairementle jour où le moyen fut trouvé de multiplier sa parole, et d’être entendu simultanément de tous ceux que l’on avait intérêt à perusader. J’ai dit plus haut que la création du Journal était, après la découverte de l’imprimerie, la seconde phase importante de l’histoire des lettres : c’est que l’imprimerie, en effet, contenait en germe le journalisme, ou plutôt l’un n’était que la conséquence de l’autre. Aussi le journalisme a-t-il retenu, comme expression suprême de sa fonction, le nom même de l’instrumentde la typographie : la
