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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/71

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LE SALON DE 1857.
III
MM. Édouard Frère, Pezous, Stevens, Willems, Benouville, Cabanel.

M. Edouard Frère a beaucoup exposé ; ce n’est pas nous qui nous en plaindrons. Il y a dans ce talent tant de naturel, de vérité, et, quand il a réussi, de poésie ! poésie du foyer pâle, de la pauvreté, des meubles usés, de l’écuelle cassée, du travail et de la résignation, mais poésie vraiment forte, saine et pénétrante. L’écueil est tout près : c’est le commun et le vulgaire ; le plus souvent M. Edouard Frère l’a évité, et je l’en félicite ; il ne l’a point évité toujours, et j’en suis fâché. Je ne vois pas, par exemple, le grand charme de ces trois toiles, la Sortie du bain, le Lever, la Prière du matin. Il n’y a rien qui intéresse mon esprit ou mes yeux. J’aperçois un enfant à qui sa mère met ses bas, lit un autre enfant à qui, au sortir du bain, elle passe une chemise, là encore de petits paysans bretons juchés sur un banc pour taire leur prière, mais, dans tout cela, rien que le fait grossier, vulgaire, sans la transfiguration du talent ; je n’y tiens pas. Que j’aime mieux la Conversation ! Une pauvre vieille est assise près de son feu ; elle mange, et laisse tomber des miettes de pain à son matou, qui se dresse sur ses pattes de derrière pour être plus voisin de sa pitance. Voilà tout le sujet, et cependant combien varié ! combien séduisant ! combien émouvant ! L’œil plonge dans tous les coins de cette chaumière qu’une lumière douteuse éclaire, et partout en tombant sur la pauvreté, sur la misère, sur la nudité, il rencontre aussi la paix, le calme, la propreté, je ne sais quel air de résignation qui repose et fait plaisir. Une scie est pendue au plancher ; un peu plus loin est une faucille ; sur la planche de la cheminée sont jetés pèle-mèle des livres, des verres, des assiettes. La vieille est admirable. Son mouchoir à carreaux est carrément noué sur sa tête ; sa robe de serge est vieille et propre ; sa figure est ridée, hâlée, àgée et pleine de santé ; ses mains, osseuses, maigres, agiles, témoignent de soixante années de travail. C’est tout le poëme de la pauvreté honnête et satisfaite. C’est un beau poëme.

Ce petit tableau-ci, grand comme rien et ravissant, c’est les Images. Un gamin en blouse est planté sur les deux jambes au milieu d’une chambre aux murailles de laquelle toute une armée sortie d’Épinal est suspendue. Rien de plus ; mais le