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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/72

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LE PRÉSENT.

gamin est admirable. Les deux bras tombent le long de son corps ; il est droit et fixe comme un soldat au port d’armes, et il regarde, il regarde, son âme est passée dans ses yeux. Il sait le galop éternel et immobile de ces hussards dorés ; il écoute la musique de ce régiment de ligne qui passe ; il va partout avec lui, en tous ces merveilleux pays qu’invente l’ignorance poétique des enfants. C’est une bien jolie image que cette image de M. Frère ! Je voudrais vous montrer encore le Balayeur, le Repos, les Femmes et Enfants écossant des pois.

Vous montrerai-je la Toilette du dimanche ?

C’est une jeune fille dans sa chambrette, chambrette toute nue et pauvre ; un petit lit se cache dans le fond ; au premier plan, le pred appuyé sur une chaise, sa robe à moitié défaite, l’enfant cherche, ma foi oui ! cherche une puce. Je crois même qu’elle l’a attrapée, car elle serre les doigts de façon significative. Peu m’importe au reste le petit animal noir, c’est la jeune fille qui est charmante, et une figure si pleine de pureté et d’innocence, et de si suaves rondeurs, et des contours si chastes, et des bras si bien modelés, et une chevelure si blonde et si riche ! La belle enfant honore les pinceaux de M. Frère.

Comme M. Frère, M. Pezous aime les cabanes, les chaises de paille boiteuses, les tables vermoulues, les cheminées rustiques, les naïves ménagères, les bons paysans et les marmots déguenillés. Mais dans la cabane, auprès du paysan et de la paysanne, il introduit un personnage, le soldat. M. Pezous fait très-bien. Le soldat est là tout à fait à sa place. Il est né dans une chaumière comme celle-là, il y retournera. Il y est à son aise, il en est la joie par sa gaieté, l’ornement par la richesse de son pantalon rouge et de sa tunique à collet jaune, l’honneur par ses cicatrices de la dernière campagne, l’intérêt par les longs et interminables récits de ses hauts faits. Le Récit, le Bon Hôte, Après la soupe, sont trois petites toiles charmantes, et dans toutes les trois les divers éléments dont je viens de parler sont là groupés familièrement et tranquillement. M. Pezous a de la précision, du trait, de la couleur, de la naïveté, du sentiment ; c’est un joli bagage et dont, j’espère, il tirera bon parti. Qu’il évite l’insignifiant, comme le Pot au feu, et l’obscur, comme le Dîner à la campagne. On ne sait dans quel pays, dans quel temps, au milieu de quels costumes on est transporté. Le premier mérite de la peinture comme du style, c’est la clarté.

Je n’aime point de M. Stevens un tableau qui s’appelle Petite Industrie. C’est d’une manière dure, sèche et noire, qui m’est particulièrement désagréable. Les deux têtes de jeunes filles affligées dans Consolation, sont ravissantes par la pureté des lignes, la distinction et la candeur ; ce n’est point comparable cependant à ce qu’il a exposé sous ce titre Chez soi et sous cet autre, l’Été. Ceci, comme le titre l’indique, est un intérieur en été. Une jeune femme habillée de gaze presse entre ses doigts une orange et en exprime le jus dans un verre d’eau. C’est d’une élégance exquise. Tout brille dans ce petit tableau, la femme, les meubles,