de la domination espagnole tendent à se séparer, et le digne successeur de Charlemagne, rassasié de la puissance et de la gloire qui coûtent tant de peines, dégoûté des hommes qu’il connaît si bien, se réfugie dans un cloître pour se replier sur lui-même et mettre sa pensée face à face avec Dieu.
Malgré ce magnifique programme, Casimir Delavigne a fait de Charles-Quint un moine moinant de moinerie. Il l’emprisonne dans le réseau des intrigues puériles d’un couvent. Vous me direz qu’il en sort vainqueur. Beau triomphe ! un lion qui brise des toiles d’araignée.
Vous savez aussi à quoi vous en tenir sur le compte de Philippe II. Ce roi d’un fanatisme taciturne, convaincu, implacable, fait froidement mourir son fils, le généreux don Carlos. Ses feux de joie sont les bûchers qui consument les hérétiques ; et le sombre monastère de l’Escurial affecte la forme d’un gril immense.
Certes ! cet homme aurait payé de toutes les Espagnes le triomphe de sa ferveur sanguinaire. Ignace de Loyola et le duc d’Albe la servirent à outrance, l’Espagne entière la partageait.
Cette contagion gagnait la France, et le monde était menacé de devenir la proie des inquisiteurs, sans la résistance de l’Angleterre et la défaite de l’invincible Armada.
De cet homme de bronze, M. Casimir Delavigne a fait un pauvre amoureux, jaloux comme Sganarelle, sentimental comme Antony.
Don Juan aime François Ier et les femmes. Ses allures de mauvais sujet sont bien venues du rentier pacifique, qui remue sa tête grasse dans sa cravate avec un air de dire : Et moi aussi dans mon jeune temps, j’ai fait le diable à quatre.
Notez qu’en traitant don Juan de mauvais sujet, je m’avance beaucoup. Ce jeune homme n’est qu’un fanfaron de vices ; au fond il a la ferme intention de devenir bon époux, bon père sans doute.
Quant aux moines du couvent de Saint-Just, qu’ils sont pâles et étriqués, ô Zurbaran !
Inutile d’ajouter que le drame se termine au troisième acte. Les deux autres sont tellement prévus qu’on n’a pas la curiosité de les attendre, surtout lorsqu’on sait la façon dont l’auteur pratique le développement des passions et des caractères.
Casimir Delavigne semble avoir pris à tâche de nous dégoûter de Racine. Partout le rhétoricien sans âme, sans poésie, sans enthousiasme, qui arrive par de vieux artifices à un effet annoncé et prédit comme le Messie. Sa poésie ressemble à un jardin bourgeois surplombé d’une mauvaise petite ruine en coquillages, et gardé par des statues en biscuit servant à supporter des lanternes.
Ce que je viens de dire est tellement vrai que les excellents acteurs de la Comédie-Française n’ont pu parvenir à fixer mon attention bénévole. La vivacité de M. Delaunay m’a paru intempestive comme un coup de pistolet au milieu du silence