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LE COSTUME AU THÉÂTRE.

tions précieuses sur les plus infimes nuances de l’amour et du sentiment. Les acteurs de cette période) cherchant à imiter des princes et des princesses chefs de parti, arrivèrent, dans le geste et le débit, à une affectation puérile de grandeur et d’héroïsme ; mais cette affectation était fatale, presque commandée par les mœurs et les œuvres du temps ; Molière, qui s’en est tant moqué dans l’Impromptu de Versailles, n’en était pas exempt lui-même quand il jouait la tragédie. (Voyez l’Impromptu de l’Hôtel de Condé.)

Avec le costume à la romaine, la cuirasse de brocart et le tonnelet, s’inaugure un nouveau système de jeu et de déclamation qui convient mieux à Racine qu’à Corneille, et qui contribua beaucoup à éclipser ce dernier derrière son heureux rival. Ce n’est plus le chef de parti, mais le parfait homme de cour, que l’acteur cherche à imiter. Le maître à danser est son premier instituteur ; quand il a les belles attitudes, le maître à chanter lui donne la déclamation musicale, qui fait bien valoir le vers, il lui note ses rôles comme des récitatifs d’opéra. Le sentiment à exprimer ne vient qu’en seconde ligne, et doit garder, dans son expression, une mesure qui ne dérange pas un nœud de ruban, une voix mélodieuse qui ne choque pas l’oreille comme le feraient les étranglements et les convulsions d’un homme que la passion domine entièrement. — Il faut se figurer, avec ces costumes et cette déclamation, la représentation des tragédies de Racine. Pour les décors, il ne faut pas seulement se rappeler ces trétaux de foire où la scène était encombrée de gentilshommes, mais aussi ces représentations chez les grands, ou devant le roi, quand la scène était une cour de marbre ornée de festons et de jets d’eau, ou bien quelque point de vue de parc s’étendant à l’infini, avec ses blanches statues, derrière un encadrement de feuillage. Là, la confidente pouvait se tenir à quinze pas de la princesse, attendantt pour s’approcher, qu’elle daignât lui expliquer son cœur.

Les pièces de Racine qui, comme Britannicus, sont conçues à un point de vue historique très-large, très-juste, et tenant la première place dans l’intérêt, n’ont pas besoin de cet appareil pour que nous en sentions toutes les intentions ; cependant, combien de scènes en sont devenues choquantes, impossibles à dire juste dans le costume introduit par Talma. C’est Talma lui-même qui nous le dit :

« On reconnaît dans Néron cette galanterie qui caractérisait la cour de Louis XIV.


Pourquoi de cette gloire exclus jusqu’à ce jour,
M’avez-vous sans pitié relégué dans ma cour ?

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

En vain de ce présent ils m’auraient honoré,

Si votre cœur devait en être séparé,
Si tant de soins ne sont adoucis par vos charmes,
Si, tandis que je donne aux veilles, aux alarmes,
Des jours toujours à plaindre et toujours enviés,
Je ne vais quelquefois respirer à vos pieds.