en cuir précieux, avec des ornements repoussés, sphinx, génies, esclaves enchaînés ; ces cuirasses prennent la forme des hanches, et descendant par devant en s’arrondissant, enveloppent le ventre et marquent la place du nombril. Une double tunique passé par-dessous, presque entièrement couverte par de lourdes broderies et par des lanières de cuir que terminent de larges médailles. Des kncmides damasquinées s’ajustent sur les sandales. Aux épaules, des bouffants et des franges qui rappellent nos épaulettes. Ce riche costume était fait pour être compris, défiguré et embelli par le grand roi. Il le porta souvent dans ses carrousels, d’où il passa dans l’opéra et la tragédie. La cuirasse, tout en gardant la même forme, est devenue un corps de brocart. Les knémides sont changées en brodequins de soie brodée qui s’adaptent sur les souliers à talon. Les franges des épaules sont remplacées par les nœuds de ruban. Enfin un tonnelet dentelé rond et court, un petit glaive dont le baudrier passe sous la cuirasse, par dessus tout cela la perruque et la cravate à nœud de satin, voilà ce qui composait l’habit à la romaine du xviie siècle. Le casque de carrousel, qui reste dans l’opéra, est le plus souverit remplacé dans la tragédie par un chapeau de cour plus facile à manier.
Quant aux femmes, elles se contentèrent, pour jouer la tragédie, de hausser leurs talons, de surcharger de broderies le corps de brocart et le manteau à taille de l’habit de cour, d’en exagérer la lourdeur, et d’ajuster sur leur tête des voiles, d’immenses panaches et des couronnes.
Que ces vains ornements, que ces voiles me pèsent.
Ce n’est que de notre temps, et encore pour les sujets grecs et romains seulement, que les femmes se sont décidées à paraître à la scène sous un costume sans analogie avec le costume de ville contemporain. Cette répugnance des femmes à transformer profondément leur costume habituel s’explique facilement quand on songe qu’à chaque période de l’histoire l’homme a conçu différemment la beauté de la femme : ce qui dans un temps est une beauté dont on fait montre, devient une laideur dans le temps voisin, et se cache ou se dissimule. Le sentiment de l’homme sur la beauté une fois connu, la femme s’y conforme par son ajustement, sa démarche, ses allures ; lui demander de changer de costume, c’est bien souvent lui demander de devenir laide, ou du moins gauche et sans charme.
Les tragédies, ou plutôt les tragi-comédies, qui furent jouées en habit de ville, correspondent à cette première génération du xviie siècle, qui n’estima jamais que médiocrement la poésie tempérée de Racine, génération dont la vie avait été elle-même, sous Richelieu et Mazarin, une véritable tragi-comédie où le familier se mêlait au sublime, les passions exclusives ou fougueuses au bel esprit, les dévouements les plus entiers aux changements de parti les plus subits, enfin les argumentations les plus pompeuses sur les hautes questions d’État aux argumenta-