M. Arsène Houssaye vient d’offrir au monde toutes ses œuvres poétiques, et le monde n’a pas été médiocrement surpris par un si beau présent. Hé quoi ! se dit-on, un homme si heureux, si occupé, a trouvé le temps de rimer quatre ou cinq mille vers. Beaucoup de ces vers étaient connus des lettrés ; légers comme des hirondelles, beaucoup d’autres avaient passé sans laisser de trace. Mais les voici de retour, et cette fois ces bataillons volants se sont réunis de façon à faire toute une armée. — Ne fût-ce que par leur grand nombre, ils devaient causer du bruit.
Le livre de M. Houssaye est un chef-d’œuvre de typographie. J’y trouve sur la couverture, et comme sous-titre, trois grands mots : l’Amour, l’Art, la Nature. Ces trois mois-là qui sont l’infini tout simplement, n’ont pas épouvanté le poëte ; il les a écrits au dos de son livre le plus naturellement «lu monde, car il se croyait en mesure de prouver qu’il avait traité fort suffisamment ces trois terribles sujets. Les poètes sont souvent de bonne foi. Or, il me paraît incontestable que M. Arsène Houssaye était né poëte : il ne s’agit donc plus que d’examiner comment il a usé de ce don de la nature. En enfant prodigue, va-t-on dire ? Non, plutôt en enfant gâté.
Il est bien connu que Boucher aurait aimé à peindre tous les endroits par où M. Arsène Houssaye a imaginé de passer depuis le commencement de sa carrière. On me dirait que cet écrivain brillant et spirituel, amant délicat des choses raffinées du dernier siècle, n’a pas d’autre maison qu’un vase de rocaille, que je n’en serais pas surpris. M. Houssaye suit depuis longtemps un chemin facile, émaillé de fleurs, en taffetas de Florence ou en fine batiste, et de vendangeuses de son invention, qui valent bien Estelle et toutes les autres bergères. Son enfance même n’a foulé que de la mousse et du gazon, et je ne connais pas de plus séduisante églogue que l’histoire de ses premières années, racontées par lui-même
