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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/263

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LIVRES ET JOURNAUX.

saisi cette note douloureuse qui chante sourdement au fond des plus belles et des plus riantes choses d’ici-bas. Cette note, M. Houssaye l’a saisie.


Mais quelle est ma folie ? Est-ce qu’il faut briser
        L’amphore, quand on n’est plus ivre ?
Non ; qu’un autre à son tour y vienne aussi puiser
        Le mal d’aimer, le mal de vivre.


Mais pourquoi n’est-ce point là que le poëte s’est arrêté ? ce livre se terminait si bien de soi-même, après les Romans de la vie.

Pour moi, j’aurais aimé à ne point parler de la seconde partie, et peut-être aurais-je eu tort de me taire. L’auteur y doit tenir comme à une excellente plaisanterie faite au public ; je crains seulement que le public ne veuille point croire qu’il a plaisanté. Le Musée du poëte ! Galerie originale en effet de grandes, de petites et de moyennes pièces, toutes adressées à de grands hommes, qui ne sont plus là, fort heureusement, pour se fâcher d’un si surprenant envoi : — Léonard de Vinci, Gœthe, Michel-Ange et Aspasie, Cellini et saint Augustin ; oui, saint Augustin lui-même, voilà quels sont les amis de M. Houssaye. Qui l’aurait cru ? C’est à ces grandes ombres que le poëte offre le regain de son talent, regain qui n’est bien, hélas ! que de l’herbe d’automne.

Ne voit-on pas à présent combien il serait triste de penser que M. Houssaye a fait sérieusement le Musée du poëte ? Cette seconde partie contient un peu de tout ; des pièces politiques, d’autres qui cachent, ma foi ! un brin de philosophie, des chansons enfin, une, entre autres, intitulée Béranger à l’Académie. Je ne veux point chercher de mauvaise chicane au poëte. Il désirait passionnément, sans doute, de voir Béranger à l’Académie : pour moi, je l’aimais mieux au Caveau, où il tenait bien sa place. Mais qu’importe ce que j’aime ou ce que je n’aime pas ? D’ailleurs M. Houssaye ayant commencé à se tromper dans le Musée du poëte, a peut-être voulu se tromper jusqu’au bout.

Le Musée du poëte est donc, nous le croyons, une gageure, à moins que ce ne soit une erreur. Cependant il n’épuise pas la coquette série de ces pièces toujours ingénieuses qui remplissent le volume, et les Sentiers perdus lui succèdent pour nous charmer encore quelquefois. — Qu’on me pardonne ce jeu de mots qui rend si bien ma pensée : je crois que c’est l’écrivain lui-même qui s’est égaré, sinon perdu, et là encore il ne se retrouve pas. Ce système de dédicaces inauguré dans la seconde partie, M. Houssaye le continue dans la troisième : voici venir les noms de Montaigne et de Théocrite, de Mozart et d’Homère ; voici les filles de la Bible et Platon ; voici enfin les paysagistes flamands, Ruysdaël, Berghem, Hobbema. Le poëte aurait grand’raison de se tenir en compagnie de ces trois derniers, Watteau d’ailleurs étant toujours de la partie. — Maître désormais de sa