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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/265

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LIVRES ET JOURNAUX.

rime et leurs adhérents : M. Brady n’est point une harpe éolienne qui résonne sans savoir pourquoi ; c’est avant tout un homme qui sent ce qu’il dit et qui ne dédaigne point d’y croire, quoiqu’il ne dise que les choses les plus naturelles du monde.

Le secret de son talent n’est donc pas difficile à connaître. Il a moins d’art que de sentiment ; il sait jeter l’émotion comme une pluie féconde sur des strophes commencées ; il ne s’arrête pas toujours à propos et sa mélancolie est une flamme tout comme la verve en est une chez d’autres poètes. Il y a telle de ses pièces, la ballade de la Mère Jeanne par exemple, qui serait un petit chef-d’œuvre, s’il avait su la finir. M. Brady a un vif sentiment de la pauvreté ; il l’aime parce qu’il la confiait bien, et sa charité veille sur les pauvres petites têtes blondes qui n’ont pas de jouets et si peu de pain. Cela ne lui enlève pas, sans doute, la compréhension des grandes choses et des sombres destinées contre lesquelles se débattent les fortes âmes.


J’aime avec passion les choses dédaignées,
Ceux qu’insulte la foule attachée à leurs pas.


Mais ce que possède surtout le poëte, c’est le sens de cet amour qui s’en va, de l’amour domestique, si j’ose dire, éclos au coin des foyers de famille et doucement poursuivi dans les promenades autour de la maison, sous le bois voisin. — Chères impressions que celles-là, et si beaucoup d’entre nous ne les ont pas reçues, ce n’est pas leur faute. Les filles d’aujourd’hui ne sont pas élevées pour l’amour : M. Prudhomme, leur père, a changé tout cela. Quoi qu’il en soit, j’aime la pièce les Marronniers. M. Agénor Brady a bien pu retrouver quelque part, au fond de quelque vieux nid oublié, plus d’une Virginie qui n’attendait qu’un poëte. Car M. Brady est un poëte et c’est en cette qualité que les jeunes le saluent.

ALINE, JOURNAL D’UN JEUNE HOMME,
PAR VALÉRY VERNIER.

Nous dirons de M. Vernier comme de M. Brady, il naît peu de poëtes en notre temps ; quand on en trouve un par hasard, il faut l’accueillir avec des couronnes. Je voudrais bien vous parler longuement de ce beau poëme que j’ai là sous les yeux et qui m’a fait passer de si bons moments ; mais l’espace me manque et je ne puis que vous dire fort à la hâte qu’il y a là beaucoup de talent, une riche imagination, une forme très-assouplie et beaucoup de cœur. Lisez et vous serez