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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/320

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LE PRÉSENT.

trop nombreux pour qu’elle tentât de les détruire, mais assez inertes pour subir l’écrasement et l’avidité insatiable de son despotisme. L’Espagne catholique, elle aussi, a sans doute laissé dans les deux Amériques de sanglants souvenirs ; mais l’héroïsme et la foi les ennoblissent, s’ils ne les excusent ; et rien n’absout l’Angleterre marchande d’avoir soulevé, partout où elle a passé, le même cri d’angoisse et d’exécration. C’est le seul peuple qui ait à jamais perdu le droit de se plaindre. L’action française a été tout autre, bien que nous assumions trop légèrement la responsabilité de l’exemple donné. Je m’estimerais heureux, pour ma part, de rappeler chaleureusement l’œuvre accomplie, il y a plus d’un siècle, par le génie de Dupleix. La France nouvelle qu’il avait fondée n’existe plus, mais sa chute a été imméritée. Elle n’a laissé aucune trace accusatrice de violence et d’oppression systématiques ; elle s’est affermie promptement, sans recourir aux annexions forcées, aux traités violés, aux meurtres sommaires des Nababs mongols et des Radjahs hindous, n’assignant d’autre tâche à l’intelligence, à l’activité, au courage de quelques hommes obscurs et dévoués, que celle d’assurer une suprématie sympathique aux populations indigènes. L’inepte gouvernement de Louis XV et de vils intérêts mal entendus l’ont sacrifiée et anéantie. Se relèvera-t-elle de ses ruines ? Les Français de l’Inde n’en ont jamais désespéré ; mais il n’appartient qu’à la mère patrie de le vouloir, et ce serait, je l’avoue, une illusion étrange, que de prétendre l’y intéresser à ce point. Cependant, l’histoire subsiste et ses enseignements ne sont jamais entièrement perdus. L’exposé des faits antérieurs à notre action régulière sous le commandement général de Dupleix, à Pondichéry, fera mieux saisir la justesse de ses vues et la grandeur de ses desseins.

Les Portugais qui avaient étendu, dès les premières années du seizième siècle, leur domination exclusive ou leur influence, du cap Guardafu à Ceylan et de Pégu à Makao, durant vingt-trois vice-royautés successives, voyaient la plupart de leurs possessions, sur le continent et dans les îles, tomber aux mains des Hollandais, non moins avides, mais plus habiles. Sous l’impulsion d’Élisabeth, les Anglais avaient définitivement pénétré dans l’océan Indien, déjà parcouru par Drake et Cavendish ; les Danois eux-mêmes s’étaient établis à Tranquebar, sur quelques points de la côte du Malabar et à Bantam. La France seule s’abstenait encore de prendre part aux affaires de