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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/336

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LE PRÉSENT.

l’Inde. Sans trop insister sur les relations politiques désormais établies entre la nababie d’Arkate et le comptoir central, il faisait pressentir toute leur importance et la nécessité d’en assurer l’affermissement par l’extension du crédit français et par une impulsion plus vigoureuse donnée à toutes nos entreprises. On lui répondit que la crainte d’une rupture prochaine entre les puissances maritimes contraignait la Compagnie de réduire son commerce, de restreindre ses plus strictes dépenses et de suspendre tous les travaux de fortification. En outre, il était seul chargé de l’exécution de ces ordres et il lui était défendu d’en instruire le conseil supérieur. Tout renseigné qu’il était sur l’incapacité singulière qui présidait aux délibérations de la Compagnie, Dupleix se refusa d’abord à saisir le sens de ces instructions. L’appréhension d’une guerre imminente et l’ordre simultané de livrer sans défense à l’ennemi la seule place du sort de laquelle dépendait celui de tous nos établissements lui parurent le comble de l’aberration. Il était cruel de voir tant de vastes desseins étouffés en germe. Mais son étonnement dura peu ; il comprit les espérances secrètes qui avaient dicté ces lettres ; il se souvint de les avoir prévues et résolut de passer outre. Loin de renvoyer les navires sur lest et de restreindre les affaires au point où elles en étaient en 1721 ce qui lui était enjoint et ce qui eût porté le dernier coup à notre crédit ; loin de négliger surtout les travaux de fortification, il expédia à ses frais, selon le vœu secret de la Compagnie, pour deux millions de cargaisons, rétablit l’enceinte bastionnée de Pondichéry et prépara tous les approvisionnements nécessaires à l’escadre qui devait quitter la France sous le commandement de La Bourdonnais.

Sans plus s’inquiéter des ordres qu’elle lui avait précédemment donnés, la Compagnie lui adressa les plus vifs éloges, lui recommandant, en dernier lieu, de négocier avec les gouverneurs anglais un traité de neutralité entre les deux Sociétés. Une telle convention, même consentie de part et d’autre, était inexécutable. L’escadre ennemie n’en eût pas moins anéanti tout notre Commerce, et la compagnie anglaise se fût bien gardée de protester contre un fait accompli qui l’eût dispensée de violer personnellement le traité. Ses agents, du reste, plus sincères cette fois que de coutume, ou plus assurés du succès, se refusèrent à cet accommodement illusoire. Le désarmement et le renvoi des vaisseaux de La Bourdonnais dut contribuer à les convaincre,