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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/351

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CRITIQUE.

que rencontrent-ils ? Le grand siècle, avec les fortes et solides qualités qui le recommandent à l’admiration de la postérité, avec les hommes illustres qui ont fait la prospérité du pays. À côté des aimables personnes dont il excelle à mettre en lumière l’agrément irrésistible, le peintre nous offre une foule d’autres portraits qui pour l’art, et pour la vérité surtout, font poser devant nous les originaux.

Marie de Rohan, qui fut plus tard la duchesse de Chevreuse, appartenait à cette famille qui produisit des héros au xvie et au commencement du xviie siècle, après avoir donné jadis des souverains à la Bretagne. C’était la fille d’Hercule de Rohan, duc de Montbazon, l’un des plus fidèles serviteurs de Henri IV et des mieux récompensés. Elle naquit en 1600, et en 1617 elle était mariée au favori de Louis XIII, de Luynes, qui succéda au pouvoir du maréchal d’Ancre. En ce moment, le jeune et ambitieux connétable, comme l’appelle M. Cousin, touchait à sa quarantième année et avait vingt-deux ans de plus que sa femme. Neanmoins cette union parut heureuse. Elle fut d’ailleurs courte, par l’effet de la mort qui frappa de Luynes en 1621. Peu après, Marie de Rohan épousait en secondes noces Claude de Lorraine, duc de Chevreuse.

La connétable de Luynes avait mérité une gloire que Thucydide estimait la plus grande de toutes pour les femmes, c’était que l’on ne parlât point d’elle. Il n’en fut pas ainsi de la duchesse de Chevreuse : tout au contraire. Célèbre dès lors par le nombre des passions qu’elle inspira et qu’elle partagea, elle ne le fut pas moins par ses intrigues en politique. Il est vrai que les premières fautes entraînèrent toujours pour elle les secondes, comme un accompagnement nécessaire. Après avoir donné son cœur au comte Holland, elle entra, pour lui plaire, dans les projets de l’Angleterre et de Buckingham. Attachée ensuite à l’imprudent ami du duc d’Orléans, le prince de Chalais, que Richelieu fit condamner à mort pour crime de conspiration, elle fut exilée, à titre de complice, et se retira en Lorraine, où elle trouva un Consolateur dans le duc Charles IV. Mais il serait trop long de redire ses liaisons avec Châteauneuf, Campion, de Laigues et d’autres encore. Bornons-nous, pour son honneur, à la montrer sous un jour plus favorable, en nous arrêtant quelque temps sur les qualités toutes viriles de résolution et d’audace qu’elle déploya dans plusieurs circonstances.

Elle en fit preuve notamment lorsque, reléguée en Touraine, mais se jugeant, malgré cet éloignement de la cour, menacée dans sa liberté, elle prit le parti de se réfugier en Espagne (1637). Dans ce voyage romanesque, qu’elle accomplit avec précipitation et sans suite, elle eut à subir des fatigues inouïes, à braver rndle périls et mille privations, n’ayant emporté avec elle, selon les termes de son historien, que sa beauté, son esprit et son courage. Une fois à l’étranger ; en Espagne comme en Angleterre, où die passa depuis, opposant le calme et la gaieté à l’orage, loin de s’abaisser au rôle de suppliante, elle sut obtenir les hommages les plus flatteurs, et, grâce à la faveur qui l’entourait, traiter en égale avec Ri-