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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/356

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LE PRÉSENT.

dans ses Mémoires, c’est de se donner un air capable et de faire une grande figure en tout genre. » Blâmerons-nous M. Cousin de cette partialité ? bien loin de là. Elle lui sied, elle aiguise sa parole, elle colore son langage. L’histoire, sous sa plume, peut avoir l’air d’un plaidoyer : mais elle est toujours pleine de mouvement et d’intérêt.

Il n’en coûte rien cependant à la scrupuleuse exactitude des recherches et à la vérité complète des faits. Car si le biographe (lui-même il nous en avertit) paraît raconter des aventures de roman, c’est en se conformant à toute la sévérité des lois de l’histoire. Là résident justement l’attrait et l’originalité des récits de M. Cousin, qu’on dirait imaginés à plaisir et qui ne sont que l’expression fidèle de la réalité. Curieux de ne rien négliger pour l’atteindre, il a compulsé tous les mémoires connus du temps, avec cette sagacité clairvoyante qui sait ressusciter le passé. En outre, que de découvertes faites par M. Cousin dans nos bibliothèques, nos archives et même celles de l’étranger ! Pièces justificatives qui, sous le titre d’appendice, remplissent la moitié du volume. De nos jours où l’on se plaît à scruter les détails pour mieux pénétrer dans l’intelligence des faits, cette partie de l’ouvrage ne paraîtra pas la moins curieuse.

Signalons d’abord beaucoup de lettres de madame de Chevreuse. Par la pureté et l’agrément de son style elle est digne de son époque. Ajoutons que si sa conduite, tout en étant condamnable, n’eut jamais rien de bas, on peut dire à plus forte raison que ce qu’elle écrit porte toujours l’empreinte d’un ferme cœur et d’i n noble caractère. Avec cette nature que la passion a trop gouvernée, le médiocre et le petit semblent du moins incompatibles. N’est-il pas permis de croire que de nos jours le vice accompagné de cette grandeur ne saurait être très-contagieux ?

Ce sont ensuite des lettres de Richelieu, de Mazarin, et d’autres contemporains illustres, qui, bien que chiffrées pour la plupart, nous livrent tous leurs secrets. Sous un gouvernement régi par les formes du droit, tout en tendant à devenir absolu, de combien de voiles se couvrait la politique des partis ! Anne d’Autriche, demeurée trop Espagnole sur le trône de France, avait elle-même donné l’exemple de l’artifice par sa conduite avec Louis XIII et Richelieu Alors que de cabales à déjouer ! que de coups à parer ! que de ménagements à garder ! Pour démêler tous ces fils qui s’entre-croisaient dans l’ombre, quel regard perçant était nécessaire ! Enfin quel mélange de pénétration, de souplesse et de vigueur ne fallut-il pas aux deux grands Cardinaux, comme les appelle à juste titre M. Cousin, pour imposer, en dépit de mille entraves, leur autorité salutaire au dedans comme au dehors : le premier, puissant par une décision hardie qui n’excluait pas la patience, le second, par une modération patiente qui n’excluait pas la décision !

On ne l’aperçoit pas moins dans plusieurs autres documents heureusement