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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/416

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LE PRÉSENT.

— Le petit Charlie (Charlie the little), répondit d’une voix exténuée le mendiant, qui après s’être assis était encore plus grand que le docteur debout.

— Le petit Charlie ! fit le docteur étonné.

— On me nommait le petit Charlie… à présent on ne me nomme plus… murmura le mendiant assis, en s’accoudant sur la table, et laissant tomber sa tête dans ses longues mains amaigries.

— Que voulez-vous dire ? on ne vous nomme plus…

— Oui, chez nous, dans le temps, on me nommait… depuis des années, personne ne me nomme plus…

Le mendiant se tut. Il restait absorbé dans une rêverie morne.

Le tavernier, M. John, intervint. Il dit, avec l’accent de conviction d’une supériorité superbe :

— Hé, l’homme !… vous gênez ces gentlemens, et ces chaises ne sont pas faites pour recevoir des seigneuries de votre sorte. Mon garçon va vous donner du pain sur la rue… quoique, en vérité, les dépôts de mendicité (Work’s bouses) n’aient pas été établis pour rien.

Le pauvre géant, sans mot dire, fit un effort pour se lever.

— Restez, petit Charlie, dit le docteur.

Celui-ci glissa un mot à l’oreille du tavernier :

— C’est mon squelette de géant, je l’ai trouvé ! lui dit James. Servez-lui à boire et à manger ici. Je ne veux plus le quitter de l’œil. Cette occasion perdue, je n’en retrouverais plus d’aussi belle… d’aussi grande, acheva le docteur en mesurant Charlie d’un regard de possession.

— Dès que la présence de l’homme ne déspblige pas ces gentlemens, et que ceux-ci le désirent… fit M. John en se soumettant sans empressement.

— Très-bien, monsieur John, interrompit l’impatient docteur ; faites servir à manger à cet homme.

À la vue d’une large tranche de bœuf, le petit Charlie se redressa et bientôt il fit jouer ses puissantes mâchoires. Mais avant de porterie premier morceau à sa bouche, il fit le signe de la croix.

— Il est catholique, dit M. John, qui appartenait à la religion anglicane. Quelque Irlandais, sans doute, ajouta-t-il, en haussant les épaules ; Les Irlandais ! un peuple de vauriens, de fainéants, de mendiants.