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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/439

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L’INDE FRANÇAISE.

çait de son côté le chef mahratte Balad-Ji-Rao, à la tête de vingt mille cavaliers, soit pour l’assiéger à son profit, soit pour venir en aide au Radjah. Toujours est-il que ce dernier, par un trait de cette politique compliquée habituelle aux princes indigènes, avait formé le dessein de tromper à la fois son ennemi et son allié. Ses coureurs remirent à Çalabet-Cingh, au moment qu’il pénétrait dans le Maïçur, des lettres successives de leur maître. Le Çubah était supplié de hâter sa marche. On l’informait que Balad-Ji-Rao menaçait de piller Ceringapatnam et de mettre ainsi le Radjah dans l’impossibilité de s’acquitter. Le Mahratte, voyant qu’on ne lui donnait accès ni dans les villes, ni dans les forteresses, que les troupes maïçuriennes ne se joignaient pas à lui, et qu’enfin l’armée du Dekkan, bien supérieure en forces, entrait sans obstacles dans le pays, fit une prompte retraite sans écouter davantage les protestations de son allié douteux. Celui-ci dut alors songer à entraver les mouvements du Çubah ; mais il était désormais trop tard. Ceringapatnam, complétement investie et dénuée de tous préparatifs de défense, était sur le point de tomber au pouvoir d’un ennemi doublement irrité. Bussy sauva la ville du pillage et de la destruction. Il obtint que Çalabet-Cingh pardonnât à sa considération personnelle et se contentât de recevoir les trente laks de roupies qui lui étaient dus, sept millions cinq cent mille livres. Le Radjah écrivit à Bussy : « Je te dois la conservation de mon pays et de mon honneur. Regarde-moi comme le plus fidèle de tes amis. Ta nation me sera toujours chère, et je te jure pour elle un attachement inviolable. »

Cet engagement devait être religieusement tenu par ses successeurs de fait, si ce n’est de droit, Haïder-Ali-Khân, et le dernier sultan du Maïçur, Tippu-Çaeb.

Cependant Çalabet-Cingh, oubliant, sous la funeste influence du rappel de Dupleix, tous les services, jusqu’aux plus récents, que les Français de l’Inde lui avaient rendus, s’était secrètement livré aux Anglais, et voulut, à leur instigation, nous expulser des quatre provinces d’Oryçâh qu’il nous avait cédées. Bussy battit un des lieutenants du Çubah sur les bords du Kriçna et vint assiéger Haïder-Ahad ; mais toute l’armée mongole le bloqua lui-même dans son camp.

Cette révolution du Dekkan, suscitée par la Compagnie anglaise dans le temps même où elle signait le traité de neutralité Godeheu et Saunders, devait inspirer des inquiétudes d’autant plus vives qu’il était