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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/441

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L’INDE FRANÇAISE.

Cependant, ce désastre réveilla leur énergie et devint le point de départ de leur puissance. L’invincible opiniâtreté de cette race triompha une fois encore de la fortune adverse. Watson et Clive arrivaient précisément d’Europe avec des troupes, et le traité de trêve entre les deux Compagnies subsistait encore.

Une escadre, sortie de Madras, remonta le fleuve, chargée de trois mille hommes de débarquement. On reprit possession des forts précédemment perdus. Çurad-Ju-Dulah, menacé d’une invasion des Affghans, se hâta de négocier et négligea à dessein de sauvegarder les intérêts du comptoir allié de Chandernagor. Le directeur de cette place, respectant la neutralité que devaient garder l’une et l’autre Compagnie, avait en effet refusé de joindre un détachement français à l’armée du Çubah en marche sur Calcutta. Clive l’en fit repentir. Aussitôt après la retraite de Çurad-Ju-Dulâh, les forces anglaises investirent Chandernagor en pleine paix. La ville, surprise et hors d’état de résister, se rendit à d’honorables conditions. Immédiatement, ainsi qu’il était aisé de le prévoir, la parole donnée fut indignement violée. Directeur, conseillers, employés, officiers et soldats devaient être libres sur leur promesse de ne pas servir pendant une année : tous furent retenus, emprisonnés et dépouillés. Les propriétés particulières, les maisons et les magasins devaient être respectés : tout fut pillé et brûlé. Mais je n’insiste pas sur le fait spécial de Chandernagor. L’impudente mauvaise foi de la Compagnie anglaise était, dès lors, proverbiale dans l’Inde. Nous en étions les dupes éternelles. Ce ne sera pas, du reste, une des observations les moins curieuses de l’histoire, quand l’heure aura sonné de reléguer dans son île la race antihumaine des Anglo-Saxons européens et de fermer cette plaie vive qui ronge le monde, que de démontrer qu’aucun peuple n’a joué une comédie plus humiliante pour les autres nations et n’a moins fait pour la civilisation générale.

Il fallait en finir avec Çurad-Ju-Dulâh, dont le retour offensif était à craindre. Un de ses premiers officiers, Mir-Djaffer-Khan, s’engagea à le trahir. On lui promit la çubahbie du Bengale, au prix de trois cents laks de roupies, soixante-quinze millions de livres, payables à la Compagnie. Mir-Djaffer-Khan passa à l’ennemi, comme il était convenu, au moment où l’armée mongole enveloppait Clive, à Palaççi. Çurad-Ju-Dulâh fut assassiné dans sa fuite, et le meurtrier vint recevoir sa récompense à Calcutta.