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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/442

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LE PRÉSENT.

La perte de Chandernagor n’avait rien changé cependant à notre situation supérieure dans la presqu’île. Les Anglais se concentraient aux approches du Gange et nous laissaient, par suite, une plus grande liberté d’action sur la côte d’Oryçah et dans le Dekkan central. La guerre était régulièrement déclarée ; rien ne s’opposait à ce que nous prissions une revanche immédiate du pillage et de l’incendie de notre établissement du Bengale. L’escadre de Watson, réduite à ses équipages, ne pouvait que jeter des vivres dans les places maritimes. Bussy profita activement des circonstances. Il s’empara coup sur coup de Daku, de Nelpely et de Bander-Mur-Lanka, Comptoirs peu importants, mais dont la réduction préalable lui permit d’assiéger Viçagapatnam, ville murée, défendue par une nombreuse garnison et approvisionnée pour deux ans. Il n’ignorait pas ces faits mais, bien que disposant de forces très-inférieures, convaincu qu’une tentative soudaine et énergique surmonterait tous les obstacles, il se hâta d’agir.

Le détachement français, après cent douze lieues de marches forcées, assailli par des pluies torrentielles auxquelles succédaient des chaleurs étouffantes, vint camper à une lieue de la ville, le 24 juin 1757. Viçagapatnam est commandée au nord-ouest par des dunes de sables, arides et hautes, d’où il est facile de dominer ses fortifications. Une batterie y fut dressée aussitôt sous les bombes de l’ennemi ; mais, avant de commencer l’attaque, Bussy crut devoir sommer le gouverneur, William Perceval, de rendre la place, s’il désirait éviter les suites d’un assaut. L’Anglais y consentit, à notre grande surprise, et fit ses conditions. Il demandait que la garnison européenne et hindoue sortît librement, avec armes et bagages, tambours battants et enseignes déployées ; que les habitants fussent respectés et garantis dans leurs propriétés.


« Vous devez savoir, monsieur, lui répondit Bussy, de quelle façon les Français de Chandernagor ont été traités ; mais je rougirais d’exercer de telles représailles et je ne prétends imiter vos compatriotes qu’en un point ; la garnison sera prisonnière de guerre ainsi que l’état-major. J’attendrai votre décision jusqu’à demain, à huit heures du matin. » Le gouverneur anglais céda. La ville, les fortifications, l’artillerie, les munitions de guerre et de bouche, les gréements de navires, les marchandises et l’argent en caisse furent