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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/519

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LIVRES ET JOURNAUX.

La pensée générale des Marges de la vie est haute et bonne. En galant chevalier, M. Jules Allard a cédé naturellement à Mme Léonide Allard la première place dans le volume : elle y chante sa partie en femme de goût et de cœur. Plusieurs de ses pièces sont adressées à Mme Desbordes-Valmore, avec qui elle est en parenté de talent, et toute cette poésie a de ces senteurs intimes que l’analyse ne sait point rendre. Amour, Dieu, liberté, voilà quelle est la devise que les deux poètes ont mise au front de leur livre, et la nature, dans sa sagesse, a départi à chacund’eux lesqualités qui devaient être siennes. À madame Léonide Allard la délicatesse, la grâce et ce lyrisme sans bruit qui coule comme l’eau sous la mousse ; à M. Jules Allard les désirs plus larges et l’élan de la pensée ; à elle de justifier le premier mot de la devise, à lui de faire aimer le second. Quelque-uns des morceaux de Mme Allard, ceux surtout où elle a peint les mélancolies de l’amour et les craintes vagues du bonheur, sont des merveilles fort ciselées de pureté et de sentiment. Je citerai en passant l’Élégie de toutes les femmes. Plusieurs des pièces de M. Allard, celle À un peintre, par exemple, sont d’une rare vigueur. Je ne veux pas d’ailleurs décider entre les deux époux de peur d’introduire une rivalité entre les deux poètes. Madame Allard a peut-être plus d’habileté, quoiqu’elle la cache, ce qui prouve bien qu’elle est femme ; M. Allard a plus de force : la nature, je le répète, s’est montrée fort sage envers tous les deux. J’allais oublier de remercier M. Allard au nom de la littérature pour le sonnet intitulé : Gérard de Nerval.

VARIÉTÉS EN PROSE, par M. A. Bignan.[1]

Beaucoup d’érudition, trop de réthorique, voilà ce que nous offre ce volume composé de morceaux de toute sorte. Hélas ! la rhéthorique est vieille et la phrase honnête et bien soignée de M. A. Bignan n’est guère plus jeune. L’écrivain a plus de conscience que de goût, plus de pureté que de vivacité, mais il n’est point ambitieux à demi. Historien et moraliste, humoriste et romancier, bibliographe et critique, il a voulu être tout cela, en n’oubliant jamais d’apporter dans chacune de ses compositions ou dans chacun de ses récits la richesse d’un véritable savoir. Son livre porte bien le titre qui lui convenait : Variétés. — Vous y trouverez en effet des études sur Pascal, La Bruyère et Le Sage, un parallèle de Louis XIV et de Napoléon Ier ; — puis des œuvres de fantaisies tels que le Touriste de la rue Saint-Denis ou les jouissances d’un piéton, et enfin un roman historique : Le dernier des Carlovingiens. Ce n’est pas sans quelque raison particulière que M. A. Bignan a imaginé de défendre en quinze pages la littérature du premier empire : il est beau de combattre pour ses maîtres. Cependant il y a dans ce paisible volume un morceau qui fait saillie, c’est celui que l’auteur a écrit sur Jean de La Bruyère, M. A. Bignan ferait peut-être bien de se renfermer dans la critique.

  1. E. Dentu, Palais-Royal galerie d’Orléans.