Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/520

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
500
LE PRÉSENT.

La Revue de Paris poursuit la publication du curieux ouvrage de M. Maxime Du Camp « En Hollande. » M. Du Camp est un voyageur de bonne foi qui ne voyage point, comme tant d’autres, pour avoir quelque chose à dire, mais qui prend la parole parce qu’il a voyagé. Ses récits sont donc l’effet au lieu d’être la cause, et ils sont écrits, comme on sait, dans une langue ferme, un peu heurtée parfois, mais toujours pittoresque, qui frappe d’ailleurs plutôt qu’elle ne séduit. Seulement il advient que ces récits se fixent merveilleusement dans la mémoire, grâce au choc des images souvent bizarres dont ils sont semés. M. Maxime Du Camp me semble, en un mot, posséder la vraie langue de l’écrivain de Voyages.

Il peut paraître étrange qu’après avoir vu l’Orient et tant aimé son implacable soleil, M. Du Camp ait tourné tout à coup ses pas vers le Nord. La fausse réputation de la Hollande l’avait trompé comme tout le monde ; son voyagé n’avait évidemment qu’un but artistique, et il partait résigné à ne voir que des musées et des églises, sous la neige ou sous la brume qui, suivant tous les conteurs, enveloppe éternellement comme une robe de plomb les ciels hollandais. Les paysages de Paul Potter sont là cependant pour démentir ces récits par trop fantaisistes, et M. Maxime Du Camp a pu se convaincre que c’est bien Paul Potter qui a raison. « — Partout j’ai lu, et vous aussi, sans doute : « La brumeuse Hollande, » jusqu’à présent je n’y ai vu que du soleil et fort peu de nuages ; le dieu des voyages a reconnu en moi son plus fervent adorateur, et, en signe de protection, il m’envoie un de ces temps inespérés et joyeux qui embellissent toute chose, qui brillent sur les prairies, découpent en lignes pures la silhouette des villes, et donnent aux horizons d’incalculables profondeurs. »

Le récit de M. Du Camp est coupé plus d’une fois par de semblables révoltes contre les opinions sottes et bien reçues de tout le monde, par des descriptions toujours transparentes, et par des paysages dont les peintres flammands qu’il va voir se seraientaccommodés pour eux-mêmes. Regrettons que le cadre qu’il s’était manifestemçnt imposé demeure trop étroit. Tout prouve, je le répète, qu’il n’a voulu faire qu’une tournée artistique, et voilà comment l’analyse d’un tableau de Rembrandt occupe ordinairement plus de place dans son récit que la description de ces villes toujours pittoresques, ou que la peinture de ces mœurs uniques, dont la raideur curieuse eût offert une si riche matière à l’humour de l’écrivain. Rembrandt, d’ailleurs, mérite bien de semblables politesses. Voyageur émérite, romancier de talent, M. Maxime Du Camp est aussi critique d’art, n’allons pas l’oublier. L’art donc avant tout : cela était juste.

Étienne MELLIER, Directeur.