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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/62

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LE PRÉSENT.

à appeler sa mère. — La vieille dame accourut, et la pauvre enfant se jeta dans ses bras ; mais elle ne pouvait parler. Elle retrouva enfin dans sa mémoire les quelques mots du récit d’Arsène, qu’elle répéta tout bas.

— Cela est triste, ma fille, murmura madame André. — Si M. de Kœblin se fût trouvé à la place de son ami, il aurait eu la générosité de s’éloigner sans vous rien dire. — Julie se dégagea vivement de seâ bras.

— Monsieur, reprit l’aïeule, une fois vous nous avez sauvé la vie, et maintenant on vous force à partager notre malheur : c’est un lien de plus pour nous rattacher à votre souvenir.

— Mon souvenir, madame ! s’écria-t-il. Eh ! je ne quitte pas Laverdie !

La vieille dame feignit de ne pas l’entendre ; elle s’efforçait de calmer Julie, dont les larmes s’étaient séchées, et qui luttait contre les premiers tressaillements d’une crise de nerfs.

— Non, non, je ne partirai point ! répéta le jeune homme.

Julie jeta un cri ; sa mère l’entraîna et repoussa presque durement Arsène, qui voulait emporter lui-même la jeune femme dans sa chambre.

— Un médecin, au moins ! s’écria-t-il.

— Il n’y a pas de médecin pour nous, dit l’aïeule.

Cette scène venait de bouleverser de nouveau tous les plans du bel Onfray. Sans doute il aimait l’aventure ; mais celle-ci n’avait rien d’ordinaire, et cet amour-là ne ressemblait pas même à un roman. À aucune époque de sa vie Arsène n’avait passé par autant d’émotions différentes que dans ces derniers jours ; il n’avait su en définir aucune, et jamais non plus il n’avait dévoré tant d’angoisses. Au lieu de l’inonder de ses joies ordinaires, l’amour avait bourrelé son cœur. À l’instant où te désespoir et le mal soudain de Julie, lorsqu’elle avait appris sa mésaventure de la veille au petit château, lui révélaient tout le chemin qu’il avait fait dans son âme, il songeait malgré lui à cette terrible phrase qu’elle avait laissé tomber : « Qui sait à Laverdie que je ne suis pas coupable ? » De retour à l’hôtel, il rencontra le valet de chambre de Georges qui venait tout simplement lui rapporter ses malles de la part de madame du Songeux. « À Monsieur Onfray, à la Tour-d’Argent, » avait-elle écrit de sa propre main.

J’ai effacé te reste, dit îe domestique en baissant la tête. Sous les traite inégaux du crayon, Arsène lut : « Ou chez ma-