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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/64

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LE PRÉSENT.

à vos amis d’imposer silence à ceux qui vous haïssent… Quant à moi, j’y suis prêt, madame… Ah ! pour les confondre, vous n’avez qu’un mot à dire…

— Maman, fit la jeune femme en tremblant, j’ai froid.

Madame André se leva pour fermer les fenêtres ; Arsène ne bougea point…

— Vous avez certainement une preuve ? dit-il à voix basse.

— Ne me parlez jamais de cela, murmura Julie.

Le bel Onfray courut alors à l’aide de la vieille dame, qui, en se retournant, lui montra sa fille affaissée dans la bergère, et qui lui dit :

— À demain… Et puis vous partirez, ajouta-t-elle, demain soir.

Arsène, toujours trop habile, ne revint que le surlendemain. Il s’excusa auprès de la vieille dame de lui avoir désobéi. Julie lança sur sa mère un regard si rempli de crainte, que celle-ci la rassura bien vite en disant :

— Ce n’était qu’un conseil.

— Prends garde de te tromper, mon enfant, reprit-elle pourtant lorsqu’elles furent seules.

Mais la physionomie de la jeune femme demeura sereine ; elle fit un petit signe d’incrédulité et baisa la main de sa, mère. Le soir, Arsène était encore à la Maison-Grise. Il y passa désormais la plus grande partie des jours et les soirées tout entières ; Julie ne craignait plus de lui dire, lorsqu’il partait : « Venez de bonne heure. » Durant les après-midi, on restait assis le plus souvent sous la tonnelle ; le soir, dès que la chaleur était passée, on se promenait lentement dans le petit jardin. Quelquefois on se risquait à sortir par le chemin des Pommiers, lorsque l’ombre tombait et que la campagne était déserte. Les dernières lueurs du crépuscule se jouaient alors au-dessus de l’horizon endormi, les grands bois bruissaient et les brises de la nuit descendaient dans la plaine. — C’était dans ces courtes promenades, durant ces heures faites pour l’amour, que Julie sentait le mieux toute sa faiblesse, et que le cœur d’Arsène, toujours incertain du moment qui allait suivre, palpitait d’une horrible impatience. L’aïeule était là ; sa défiance était incurable, et dressait comme uû mur d’airain entre l’ivresse de sa fille et les ardeurs égoïstes, mais fugitives, du bel Onfray. Cependant, lorsqu’on rentrait dans le petit jardin plein d’ombres tentatrices, Arsène trouvait toujours le moment de serrer en passant la main de Julie, qui