femme… Mais vous ne m’aimez pas encore assez. — Mon ami, savez-vous bien ce que vous faites en choisissant une pauvre créature que la société repousse ? Ah ! partez… partez seul… Lorsque vous serez loin, vous réfléchirez mieux.
C’était le mot de son aïeule qu’elle redisait à son insu. Il se fit un silence.
— J’ai quelque chose à vous demander, dit tout à coup Julie. Ma nourrice va mourir, pauvre vieille femme que j’ai tant aimée ! Elle veut me voir, et moi j’hésite lâchement, car il me faudrait passer par le bourg… Ah ! je suis plus craintive encore que malheureuse… Mais qu’ai-je à craindre, maintenant que vous êtes li pour me défendre ? Je sortirai cet après-midi, si vous le voulez.
Arsène fit un effort pour dissimuler la vive contrariété qu’il éprouvait.
— Je vous accompagnerai, murmura-t-il.
Rien ne l’avait préparé a ce désir extraordinaire de la jeune femme qui la veille peut-être l’aurait charmé ; mais sa vanité était pleine de contradictions, et ce jour-là le scandale lui parut bien osé.
— Julie, s’écria-t-il au bout de quelques minutes, je veux enfin vous parler franchement. Ah ! je vous en supplie, rappelez-vous bien ee que je vous disais naguère, ce que mon amer regret de vous voir souffrir m’avait enfin arraché. — Un mot ! — pour forcer le monde à vous rouvrir ses grandes portes — un mot !… car vous devez savoir le secret de ce malheur étrange qui pèse sur votre jeunesse… Votre mari, n’est-ce pas, s’est… Tenez, ce mot, ne craignez pas de le dire à ceux qui vous aiment ! À moi, à moi seul, et je me charge d’en faire accepter à tous la vérité…
— Assez ! interrompit la jeune femme.
Un doute horrible venait enfin de lui traverser le cœur, Arsène la soupçonnait peut-être !
— Ce mot que vous demandez, répondit-elle lentement, il n’y a que Dieu, moi et le procureur de roi qui le sachions, et personne autre ne l’entendra jamais… Je me souviens bien mieux de ce que vous m’avez dit aussi le même jour… « Quand vous seriez coupable !… » Allez, monsieur, vous m’avez fait bien du mal.
Vers la fin de l’après-midi, les habitants de cette partie du bourg considéraient, avec leur curiosité accoutumée, M. Georges de Kœblin
