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LE SPHYNX.

fort occupé en apparence dans sa nouvelle propriété de la Maison mortuaire. Le jeune homme n’était là que pour tenter d’apercevoir la chère demeure de Julie, et il venait de monter dans le kiosque tricolore, d’où ses yeux plongeaient de plus haut à travers les arbres. — La porte de la Maison-Grise s’ouvrit à demi comme l’avant-veille. Madame André et sa fille en sortirent, puis elles regardèrent rapidement tout autour d’elles, et commencèrent à marcher en se glissant le plus près possible du mur de leur maison. Déjà les voisins s’étaient rassemblés, et une troupe d’enfants qui jouaient dans la rue se mit à jeter quelques pierres contre la porte refermée. Georges se précipita sans hésiter à la suite des deux femmes.

— Seules ! s’écria-t-il en les rejoignant.

— Merci, monsieur, lui dit madame André.

Julie ne répondit rien, elle saisit le bras du jeune homme.

Un silence formidable accueillit d’abord le passage de la veuve, et les portes cependant étaient pleines d’ennemis. Mais la troupe des enfants qui grossissait sans cesse se prit à hurler par derrière. Le plus méchant cria : Au meurtre ! — ce fut le signal : ils s’élancèrent et tentèrent d’envelopper le petit groupe de Georges et des deux femmes en vociférant d’abominables injures. Soutenue d’un côté par son aïeule et de l’autre par l’artiste, Julie se sentait mourir.

— Ne vous détournez pas, je vous en supplie, disait-elle à Georges. On entendit le pas d’un cheval.

— C’est lui ! s’écria-t-elle.

Le cavalier lança sa monture à fond de train sur la bande sauvage, malgré les cris des parents qui regardaient, et l’un d’eux ayant osé s’approcher, il se retourna et lui sangla le visage d’un coup de fouet. L’émeute était dissipée, personne ne bougea plus ; il mit alors son cheval au pas, à côté de Georges. — C’était M. de Brennes.

— Arsène ne pouvait donc vous accompagner ? demanda Georges à la jeune femme.

— Je ne sais, répondit-elle.

On arrivait à la demeure de la nourrice.

Tout à coup le galop d’un autre cheval retentit du même côté du bourg. Arsène parut haletant, couvert de poussière ; il avait recueilli sur son chemin l’écho de cette horrible scène.

— Je m’étais égaré, dit-il en sautant à terre, je n’ai pu arriver à