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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/77

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LE CATHOLICISME ET M. VEUILLOT.

creusa le même sillon. Les affaires de Suisse vinrent apporter un peu de relâche à l’Université. La plume de M. Veuillot devait venir en aide au Sunderbund et aux passions réactionnaires de l’oligarchie fédérale ; elle n’y manqua pas. Cependant, avec quelques grincements de fureur qu’elle courût sur le papier, de quelques éclaboussures qu’elle couvrît tout ce qui, en France ou au dehors, avait nom, gloire et autorité, elle était restée elle-même anonyme et sans réputation. 1848 commença son illustration. Jusque-là M. Veuillot avait glapi dans son coin et sans retentissement le mot de liberté ; il avait affirmé sans écho que la Révolution est une conséquence de l’Évangile ; il avait versé des larmes de joie en montrant Pie IX bénissant de ses mains pontificales le berceau d’une Italie libre et régénérée. Les événements de février le remplirent d’une nouvelle ardeur. Il prophétisa. Il sonna aux quatre coins de l’Europe les trompettes de la guerre sainte et de l’insurrection des peuples contre les rois. C’était un autre Savonarole. Il annonçait la chute de toutes les monarchies ; il montrait la main de Dieu suspendue sur la tête des rois ; il proclamait que l’Évangile était le code des peuples affranchis. Jamais tribun n’enfla de plus de sonorités belliqueuses, comme un tambour de guerre, sa voix inspirée.

La Révolution coulait comme une lave de toutes les frontières de la France ; M. Veuillot applaudissait. La Sicile tremblait tout entière, et la révolte grondait, comme un Etna, dans chacune de ses villes ; M. Veuillot applaudissait. Milan arrachait ses pavés, et de ses fers rompus chassait les Autrichiens ; M. Veuillot applaudissait. Venise se soulevait comme une mer, et rejetait hors de son sein l’armée blanche, comme des débris de navire ; M. Veuillot applaudissait. Vienne sortait de son repos séculaire aux clameurs de ses étudiants ; M. Veuillot applaudissait. La Hongrie tirait, pour la défense de sa nationalité en danger, le sabre autrefois tiré avec tant d’enthousiasme pour Marie-Thérèse ; M. Veuillot applaudissait. Munich s’indignait et bondissait sous la cravache de Lola-Montès ; M. Veuillot applaudissait. Berlin mettait la main de son roi sur les cadavres encore chauds de ses sujets, et courbait la couronne devant le trépas de quelques citoyens obscurs ; M. Veuillot applaudissait. Par delà l’Océan, il montrait l’Amérique calme et tranquille sous le régime républicain, et il inclinait sur le nouveau monde en paix, sur le vieux monde en feu, le regard et les bénédictions de l’Éternel. C’est sa tactique. Quoi qu’il dise, quoi qu’il fasse, il l’a lu dans le livre de