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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/78

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LE PRÉSENT.

vie ; son œil mortel a pénétré les secrets de l’immortelle sagesse ; il est infaillible, il est le Verbe même du Très-Haut. On verra tout à l’heure que ce verbe a été blanc ou noir, suivant les besoins de la cause ou de la position de M. Veuillot. Restons pour le moment en 1848, en pleine liberté, en plein délire démocratique. Au chant de ses hymnes révolutionnaires entonnés à pleine voix, les presbytères pacifiques furent étonnés ; les bons vieux prêtres essuyèrent le verre de leurs lunettes, croyant avoir mal lu ; les bedeaux furent saisis d’ardeur, et les jeupes nièces, les vieilles gouvernantes tremblèrent. Elles se demandaient avec terreur pourquoi le journaliste écrivait ses articles avec une encre aussi rouge. C’est que lui-même tremblait comme elles. Il faisait comme font les enfants la nuit, comme fait Sosie dans l’Amphitryon de cet abominable Molière : il chantait pour se rassurer, et, afin d’être à l’unisson, il chantait la Marseillaise. Pure affaire d’accord et d’harmonie ! Quand la Marseillaise retentit moins haut dans les rues, quand son refrain alla en décroissant, s’éteignit et mourut, la voix de M. Veuillot décrût de même, s’éteignit et mourut. D’autres enthousiasmes allaient l’animer, d’autres chants l’occuper et le distraire.


Souvent femme varie,
Bien fol est qui s’y fie.


C’était le refrain aimé de ce galant vainqueur de Marignan, le roichevalier. M. Veuillot est plus léger que la feuille et que la plus légère des filles d’Ève. De quelque côté que vienne le vent, il fait comme le meunier:il y tourne l’aile de son moulin et s’endort à son tic tac. Tic, c’est la liberté; tac, c’est l’autorité. Écoutez, amis des pastorales, le murmure de l’eau et le murmure du moulin de M. Veuillot:tic tac, tic tac, tic tac.

Je ris. À quoi bon s’indigner ? À quoi bon réfuter un homme qui s’est lui-même réfuté et contredit cent fois ? Hier, il voulait mourir pour la liberté ; que le soleil se couche, avant que le coq ait chanté trois fois, il l’a reniée, honnie, et enfoncé dans son cadavre la pointe de ses phrases les plus aiguës. La Sicile agonise ; M. Veuillot applaudit ; bravo, Ferdinand de Naples ! La Lombardie tombe à Novare ; M. Veuillot applaudit ; bravo, Radetzki ! Venise râle son dernier souffle ; M. Veuillot applaudit ; bravo, Nugent ! La Hongrie meurt sous les étreintes réunies