Aller au contenu

Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
76
LE PRÉSENT.

commence même à dire, dans le langage qu’il affectionne, que c’est un farceur.

La chose vaut la peine que M. Veuillot y réfléchisse. Abandonné de ses anciens amis, seul comme un lépreux, il continue à faire son journal dans un silence qui s’épaissit de plus en plus. N’est-il pas temps qu’il s’arrête et qu’il fasse pénitence de sa dévotion passée ?

Il n’est plus jeune, ne craint-il pas que la mort ne vienne le prendre sur un article commencé ? Ce serait horrible. Tomber entre les mains de ce Dieu qu’il a barbouillé d’encre, encore haletant de colère, ayant entre les dents une injure à moitié sortie ! « Avez-vous été humble ? » demandera ce Dieu terrible à cette âme nue et tremblante devant lui. « Avez-vous été douce pour tout le monde, bonne pour les âmes vos sœurs, miséricordieuse aux pécheurs, compatissante aux égarements d’autrui. »

Et l’âme ne pourra rien répondre, et se tiendra confuse devant son juge. La Vierge détournera les yeux, et la milice entière des cieux joindra les mains et essaiera de fléchir la colère de Dieu. « Il est écrit, reprendra-t-il : Tu ne diras point à ton frère : Raca ; et si ton œil droit est pour lui un sujet de scandale, tu l’arracheras. Ton œil et ta main, ton front et ta lèvre ont été des sujets de scandale, et tu t’en es réjouie. Va-t’en, maudite, Va-t’en au feu étemel. »

M. Veuillot peut se sauver encore. Qu’d n’écrive plus qu’un article, un seul, qui désavoue tous les autres, qu’il demande pardon de toutes ses violences et de tous ses outrages, et qu’il s’ensevelisse, en attendant le suprême linceul, dans le silence et la retraite. La miséricorde de Dieu a des abîmes infinis ; à ce prix peut-être, elle lui fera grâce, les flammes passagères du purgatoire le purifieront de ses dernières erreurs, et nous, bonnes gens, nous prierons pour lui, afin d’abréger son temps d’épreuve. Voilà ce que je lui souhaite et ce que je lui promets de tout mon cœur.

Alexandre Monin.