Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/271

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qu’une source abondante qui s’épanche et court à flots larges et clairs : le jour où elle se dessèche, elle ne vaut plus rien : tel un amour qui tarit. »

Iseut répondit :

« Frère, je vous regarde, je doute, je tremble, je ne sais, je ne reconnais pas Tristan.

— Reine Iseut, je suis Tristan, celui qui vous a tant aimée. Ne vous souvient-il pas du nain qui sema la farine entre nos lits ? et du bond que je fis et du sang qui coula de ma blessure ? et du présent que je vous adressai, le chien Petit-Crû au grelot magique ? Ne vous souvient-il pas des morceaux de bois bien taillés que je jetais au ruisseau ? »

Iseut le regarde, soupire, ne sait que dire et que croire, voit bien qu’il sait toutes choses, mais ce serait folie d’avouer qu’il est Tristan ; et Tristan lui dit :

« Dame reine, je sais bien que vous vous êtes retirée de moi et je vous accuse de trahison. J’ai connu, pourtant, belle, des