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V

Quantité de travailleurs succombent chaque année, victimes du règlement barbare, du manque d’hygiène des ateliers, usines, chantiers et mines : qui donc s’élève contre le triste sort fait à ces parias livrés en pâture au minotaure capitaliste ?

À peine quelques précurseurs, secondés par une minorité de salariés, souvent en butte eux-mêmes aux railleries de leurs camarades, aux sarcasmes, quand ce n’est aux calomnies de ceux pour lesquels ils luttent.

Nous nous plairions au grand soleil
Et sous les rameaux verts des chênes,


a dit Pierre Dupont, dans le Chant des Ouvriers.

Hélas ! petit encore est le nombre de ceux condamnés, de l’aube au crépuscule, à tourner la roue du travail, qui comprennent cet idéal !

Comme les gladiateurs romains acclamant César pour lequel ils versaient leur sang dans l’arène, des mercenaires du labeur, en ce siècle de progrès, acclament Crésus, pour lequel ils succombent dans le champ clos de l’industrie.

N’est-ce pas ce que l’on vit au banquet de Saint-Mandé, où des esclaves du salariat n’eurent pas honte de fraterniser avec le politicien Waldeck, l’accoucheur-ministre de la loi contre les chambres syndicales, loi de division qui, si elle n’était combattue par les révolutionnaires, consacrerait leur servitude économique ?

Ça ne rappelle-t-il pas les manifestants en guenilles de 48, qui criaient de bonne foi : « À bas les communistes ! » et n’avaient chez eux d’autre contemplation que leur gamelle vide et quelques loques pendues au mur ?

Pauvres hères, qui ne savaient, comme les barberettistes et autres coopérateurs d’aujourd’hui, que jeter de la boue à ceux qui veulent alléger leurs souffrances !

Ils ignoraient que de tout temps il y eut des esprits généreux qui démontrèrent la possibilité d’affranchir l’homme du joug de la misère.