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… Je compris que le monde,
Courbé sous la misère et le servage immonde,
Par la science, un jour, pourrait être meilleur,
Sans esclave ni maître, et que le travailleur,
Prenant enfin sa place au banquet de la vie,
Saurait jouir en paix du bonheur qu’il envie[1].


VIII

Quelle est donc la raison pour laquelle le règne du bonheur universel n’existe-t-il pas encore.

Le citoyen Lucien Pemjean va nous l’expliquer dans la brochure Plus de frontières :

Quand les premières peuplades, lasses de la vie honnête, sobre et tranquille qu’elles menaient dans leurs contrées rustiques, apprirent que des pays ignorés, mieux situés ou plus fertiles, offraient à ceux qui s’y trouvaient un climat plus favorable ou des ressources plus abondantes, une idée criminelle, infâme, surgit chez quelques-unes d’entre elles.

Si l’on envahissait ces régions privilégiées. Si l’on en supprimait, chassait ou subjuguait les habitants ! Ceux d’entre eux qui voudraient échapper au massacre ou à l’exil devraient s’incliner devant la suprématie du vainqueur et se reconnaître ses humbles et obéissants esclaves. La terre accaparée deviendrait la propriété des nouveaux venus qui la feraient cultiver à leur profit par ceux dont ils auraient pris la place.

Aussitôt pensé, aussitôt fait.

C’est alors que l’on vit des tribus entières, jusque là calmes, simples et laborieuses, se transformer soudain en hordes de barbares, et, guidées par un chef ambitieux et féroce, se ruer à l’improviste, l’écume aux dents, la rage aux yeux, la convoitise au cœur, sur les populations pacifiques et confiantes.

Ainsi naquit la guerre.

Comme il fallait s’y attendre, les usurpateurs se partagèrent le sol dont ils venaient de s’emparer : d’où la propriété. Les vaincus se virent obligés, moyennant une rétribution dérisoire, de travailler pour les vainqueurs : d’où l’exploitation de l’homme par homme. Enfin, se trouvant dans la nécessite de protéger leurs conquêtes contre les entreprises de voisins mis en appétit par leur exemple, les conquérants entourèrent de remparts le territoire qu’ils s’étaient approprié et chargèrent leurs mercenaires du soin de le défendre : d’où les frontières, la Patrie.

« Maudit soit, s’est écrié Jean-Jacques, celui qui, plantant le premier pieu et creusant le premier fossé, a osé dire : Ceci est à moi, et a trouvé des gens assez naïfs pour le croire ! »

    grande girafe hargneuse, bonne… à tout faire. Dangereuses pour ceux qui veulent le bien-être de leurs semblables, car elles s’entendent aussi bien à faire mettre dedans que dehors. Les socialistes ne se méfient pas suffisamment de la jappe des harpies. Complétons la ménagerie en signalant, dans le même quartier, tapi dans un kiosque, un vieux fouinard pédéraste, aux yeux de fauve qui riboulent, et une bête à cornes à bille d’Auvergnat, qui vend des bons dieux. Ces honnêtes gens, qui tremblent pour leur bas de laine firent, en 71, sous la Terreur bourgeoise, fusiller des proscrits.

  1. Louis Pierre. — La Main de Fer, p. 12.