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— III —

La guerre de conquête est le plus grand obstacle à la diffusion des principes humanitaires.

Partout où cette guerre exécrable étend ses ravages, fût-ce même sur la terre la plus belle, la plus riante, il n’y a désormais sur cette terre que de terribles alternatives de fièvre, de carnage et de mort : des lutteurs s’étreignant, des frères qui s’égorgent !

C’est pour éloigner les regards des hontes du bourgeoisisme à l’intérieur que le régime actuel, digne continuateur du banditisme césarien, invente des guerres au-delà des océans et gaspille à pleines griffes l’or et le sang de la France ouvrière et paysanne.

Tout homme a droit à son indépendance, aussi bien les pâles Occidentaux en redingote que les jaunes Asiatiques couverts de soie, ou que ces indigènes, couleur de suie, habillés d’un rayon de soleil et d’une plume dans les cheveux.

Lorsque nous murmurons réformes sociales, l’on ne sait nous répondre que Madagascar ou Tonkin.

De même l’Empire, devant les revendications des classes laborieuses, ne savait que glapir Mexique ou Allemagne !

Quand la ville d’Antioche fut prise par les Perses, sous Valérien, toute la population se trouvait rassemblée au théâtre.

Les gradins de ce théâtre étaient taillés dans le pied de la montagne escarpée que couronnaient les remparts.

Tous les yeux, toutes les oreilles étaient tendus vers l’acteur, quand tout à coup celui-ci se met à balbutier ; ses mains se crispent, ses bras se paralysent, ses yeux deviennent fixes.

De la scène où il était, il voit les Perses, déjà maîtres du rempart, descendre la montagne au pas de course.

En même temps, les flèches commencent à pleuvoir dans l’enceinte du théâtre et rappellent les spectateurs à la réalité.

La situation de notre République hybride est un peu celle de l’acteur d’Antioche.

Elle en est au lendemain de Lang-Son au même point que l’Empire au lendemain de Queretaro.