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Page:Le Roy - La Revanche du prolétariat, 1885.djvu/8

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— V —

avocats, si prompts à envoyer des régiments à la tuerie, ne sonne rien que le rappel des élections à venir ?

Est-ce du cervelet de ces bavards, dont le cœur est si bien descendu où l’on s’assied qu’ils ne visent qu’à se souder à leur siège ?

Non. Mais c’est dans le peuple — le peuple qui garde la tradition des vaillants sectionnaires de 93 — celui qui, las de plier sous sa lourde chaîne, la brise quand la barricade s’éclaire à la lueur des fusils.

Alors, comme l’oiseau libre après l’orage, il chante.

Comme l’oiseau après la tourmente, ses poètes aussi planent avec un nouvel essor.

Un de ceux que la bourrasque de 1871 avait chassé vers de lointains rivages — non sans avoir au préalable démoli moult de chacals versaillais — Eugène Chatelain, lança de l’exil cette note fière :

Non, le soleil illuminant le monde,
Les astres d’or planant dans le ciel bleu,
Les océans où la tempête gronde
N’affirment point l’existence de Dieu !

S’il est un Dieu, pourquoi donc la folie
Existe-t-elle en des cerveaux nombreux ?
Pourquoi faut-il qu’un pauvre s’humilie,
En se courbant, devant un homme heureux ?

Pourquoi voit-on des castes et des classes ?
Des fainéants raillant les travailleurs ?
Et des bourgeois volant les populaces ?
S’il est un Dieu, pourquoi des fusilleurs[1] ?


L’on ne doit rien dédaigner de ce qui affirme la Vérité, la poésie aussi bien que les travaux scientifiques, les romans aussi bien que les travaux d’histoire.

Tel lecteur qu’un livre de science épouvante se laissera gagner par une agréable fiction.

La douce voix des poètes pourra toucher le cœur de ceux qui ne veulent pas écouter la voix grave des historiens.

  1. Eugène Chatelain.Non ! Dieu n’est pas ! Ce chant se trouve, avec nombre d’autres pièces intéressantes, dans les Exilées de 1871.