Page:Le Salmigondis tome 1 1835.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il la conduisit en passant devant la porte ouverte de la chambre du capitaine, et tout près de ses compagnons endormis, jusquà son lit. « Vous êtes ici, » lui dit-il tout bas, « aussi en sûreté qu’un vaisseau dans le port ; » et après lui avoir donné un peu de pain et un verre de vin, il se jeta lui-même dans son hamac, l’esprit rempli de ces douces pensées que le ciel envole aux hommes vertueux pour les dédommager des peines de la journée par un sommeil paisible.

Le lendemain survint une tempête, une tempête que l'on cite encore comme la plus terrible qui ait jamais éclaté sur la baie de Chesapeake. Plusieurs passagers étaient à bord du Hazard, entre autres deux diacres qui allaient prendre les ordres sacrés dans la mère patrie. Vers la nuit l'orage redoubla de violence. En ce moment, où chaque coup de vent pouvait amener la mort, où le timide jetait des cris lamentables, où le brave restait immobile dans un désespoir silencieux ; l'activité infatigable, les inventions ingénieuses, la fermeté inaltérable de Frank, étaient les seules ressources humaines qui restassent à ses malheureux compagnons. Le capitaine, affaibli par l'âge, n'avait conservé que la présence d’esprit néces-