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communs. C’est le véritable communisme intégral ; même le communisme moderne ne va pas aussi loin. Comme nous aurons encore mille raisons de l’expliquer — nous ne pouvons pas à la fois aborder tous les problèmes — nous laisserons le problème de la famille et des enfants sans solution.

Pour Platon, rien ne devait être propriété privée, pourquoi ? Parce que Platon considérait, et c’était d’ailleurs la conception grecque, l’Etat comme un être idéal réalisant le suprême bien. La communauté doit se baser sur les intérêts exclusivement communs ; rien ne doit être égoïste, et pour supprimer la source même de l’égoïsme, il faut supprimer, selon Platon, la propriété privée, la famille privée et les enfants qui sont considérés comme la propriété des parents. Ce communisme était aussi un communisme aristocratique. Le penseur antique, quel que soit son génie, quel que soit l’état de sa pensée, faisait table rase de tout ce qui l’entourait, en Grèce du moins.

Ni Platon ni, comme nous allons le voir, Aristote, ne pouvaient s’imaginer une société sans esclaves. Donc, le communisme n’existait pas pour l’esclave ; c’était seulement pour les classes supérieures qui devaient avoir une vie idéale, une vie harmonieuse ; le communisme n’existait que pour eux ; pour les magistrats, pour les guerriers, pas même pour les artisans, pour les paysans, les laboureurs ; c’était donc un communisme aristocratique et un communisme esclavagiste basé sur l’inégalité, sur l’esclavage.

L’égalité n’existait qu’entre amis, entre des hommes appartenant à la classe privilégiée.

C’était, si vous le voulez, un communisme de classe. Pourtant, Platon admettait l’égalité de la femme ; il considérait que la femme est égale à l’homme. Naturellement, il parle, lui aussi — il ne pouvait pas en être autrement — des différentes fonctions physiologiques de l’homme et de la femme, mais il dit que ces différences ne doivent pas empêcher la femme d’occuper toutes les fonctions ; être magistrat, et même participer à la défense de la cité, et avoir une éducation dont la gymnastique était la base. Il disait qu’au point de vue des capacités, des facultés entre la femme et l’homme il n’y a que des différences de degré, et non de principe.

C’était, pour le penseur antique, une pensée très avancée, puisque les savants officiels de notre époque, les académiciens, n’ont pas encore atteint cette idée, ne peuvent pas encore comprendre cette idée d’égalité entre les sexes, au point de vue des capacités.

Tout en cherchant l’état idéal, la république idéale, Platon a formulé dans un autre livre, dans un traité qui s’appelle « Les Lois », une théorie de l’état provisoire, de l’état possible ; il était à son tour opportuniste ; il comprenait que l’idéal communiste ne peut pas se réaliser intégralement sans transition et il proposait