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une société ou une république de transition ; il formulait même cette idée de la façon suivante : « Il faut proposer, disait Platon dans « Les Lois », la meilleure forme de gouvernement, puis une seconde, puis une troisième, et en laisser le choix à qui il appartient de décider ».

C’est-à-dire après avoir fait l’expérience d’une société imparfaite, mais rapprochée de la république idéale ; après avoir passé par ces étapes transitoires, on arriverait à la cité idéale, à la république du communisme intégral.

C’était non seulement un communisme de production, un communisme de possession, mais c’était un communisme de consommation. La cité (c’est-à-dire les classes privilégiées) devait non seulement posséder en commun, produire en commun, mais encore, dans les repas publics, consommer également en commun.

Par cette brève esquisse de la théorie platonicienne, de la république idéale de Platon, vous pouvez y constater tous les traits de la méthode utopique.

Platon est rationaliste et moral ; il se base sur la raison et sur la morale ; Platon est un disciple de Socrate. Vous savez que Socrate est le premier éducateur de la morale rationaliste. Socrate n’écrivait jamais, il n’a laissé aucun livre, sa méthode d’enseigner était tout à fait orale, on disait « dialectique », en dialogue ; il causait avec tout le monde, en traversant les places publiques, les rues, en visitant ses amis, il leur posait des questions, il faisait comme il disait, accoucher des idées. L’idée fondamentale de Socrate était que la vertu, c’est-à-dire l’ensemble des qualités morales, est une chose qui peut être apprise. Le vice est une mauvaise affaire, un mauvais calcul ; si on raisonne bien, si on calcule bien, il faut être vertueux ; il se basait aussi sur l’homme idéal. C’est le contraire qui arrive dans notre société, basée sur l’exploitation et l’inégalité. Alors, reprenant cette idée de Socrate que la vertu est pratique et démontrable, qu’on peut démontrer aux hommes qu’il faut vivre honnêtement, en pleine harmonie avec les autres. Platon voulait réaliser, en vertu de ce principe rationnel et moral, la République idéale. Il s’adressait donc — ce qui caractérise la méthode utopique — avant tout à la raison.

Le communisme de Platon était, comme je l’ai dit, aristocratique. Au fond, quand on connaît la vie sociale de cette époque où vivait Platon, en Grèce, on comprend que les idées platoniciennes constituaient une réaction contre la démocratie. Au IVe siècle avant l’ère chrétienne, il y a vingt-cinq siècles, la démocratie a triomphé en Grèce. Mais c’était ce que nous appelons aujourd’hui la démocratie bourgeoise. La lutte de classes, comme je vous le ferai voir par quelques citations d’Aristote, existait en Grèce. A la suite d’innombrables guerres, il y avait de nouveaux riches — des Loucheurs — en Grèce. Les assemblées populaires n’étaient pas les