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tude de n’être pas entendu, bien que cette seconde proposition ne soit que la première transformée ? »

Il réclame le droit de discuter la propriété, et il dit : « Je prétends que ni le travail, ni l’occupation, ni la loi, ne peuvent créer la propriété, qu’elle est un effet sans cause ».

C’est ici l’origine de la fameuse parole qui a fait, à elle seule, la réputation de Proudhon : a La propriété, c’est le vol ». Marx a fait observer qu’au fond cette proposition n’est pas exacte. Quand on dit : « La propriété, c’est le vol », dans la seconde partie de cette proposition on suppose déjà la propriété existant. On ne peut voler qu’une propriété existante. Ce n’est pas une définition scientifique de la propriété. Mais il ne s’agit pas d’une définition scientifique pour Proudhon. Il s’agit, comme souvent chez Proudhon, de tirer un coup de pistolet pour attirer l’attention. Proudhon, c’est le pamphlétaire de génie, l’auteur des formules lapidaires : « La propriété, c’est le vol » ; « Le meilleur gouvernement, c’est l’anarchie ! », « Dieu, c’est le mal ! ». Voilà les trois grands paradoxes — ce que l’on considérait comme trois grands paradoxes, — les trois terribles coups de pistolet que Proudhon a tiré sur la société actuelle.

Méthodiquement, dans son premier mémoire contre la propriété, il démolit tous les arguments qui tendent à justifier la propriété privée. Il y a trois sortes d’arguments tendant à défendre la propriété privée. On justifie la propriété, d’abord par le droit du premier occupant. Celui qui a le premier occupé un terrain qui était res nullius — la chose de personne — a le droit d’être possesseur de cette terre. La seconde justification, c’est la loi. C’est la loi qui fonde la propriété privée. La troisième, c’est l’utilité publique.

Le droit de première occupation ? Proudhon dit : Par exemple, si j’entre dans un théâtre, — ou, disons-nous, dans un wagon — il est évident que le fait même que j’occupe la place me donne le droit de la garder pendant un certain temps, mais ne me donne pas le droit d’une propriété éternelle. Qu’est-ce qu’on dirait d’un homme qui voudrait occuper trois places à la fois dans un même théâtre. On dirait que c’est un usurpateur. C’est ce qui arrive dans la société actuelle où un homme, ou un groupe d’hommes, profitant