Page:Le Songe de Poliphile - trad. Popelin - tome 1.pdf/387

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tons circonvoisins se réfléchissaient et se mariaient sur ces dalles polies. Il n’y avait pas une seule de ces menues pierres taillées en triangles, en ronds ou en carrés, qui accusât la moindre saillie ; le tout était égalisé et d’une surface très-plane.

J’en étais halluciné et stupéfié. À part moi, je considérais attentivement ce travail extraordinaire et insigne, tel que je n’étais pas accoutumé à en voir. Volontiers je me fusse arrêté là quelque peu, et il eût été nécessaire de s’y attarder à examiner, avec plus de soin, une œuvre aussi digne ; mais je ne le pus, car il convenait que je suivisse avec empressement les éloquentes compagnes qui me conduisaient.

Or donc, l’aspect de ce somptueux, de ce magnifique et superbe palais, sa situation, son assiette irréprochable, sa merveilleuse composition me convièrent tout d’abord à une douce gaieté, à une bonne grâce toute charmante, qu’augmentait la vue de la belle exécution à mesure que je la contemplais davantage. J’en conclus, avec raison, que l’habile architecte l’emportait sur quiconque s’était jamais mêlé de bâtir. En effet, quel échafaudage de travées et d’étançons ! quelle distribution bien composée de chambres, de galeries, d’offices ! quelles parois revêtues de menuiseries et de marqueteries ! quel admirable système d’ornementation ! quelle peinture d’éternelle durée appliquée aux murs ! quel ordre, quelle disposition de colonnades ! Et que la voie Prænestine ne prétende pas l’emporter à cause de sa villa Gordienne[1]. Mais que ses deux cents colonnes divisées en quatre rangées d’un nombre

  1. La villa des Gordiens, élevée sur la voie Prænestine, avait un péristyle de deux cents colonnes. Capitolin en donne une description détaillée dans son Histoire Auguste (Gordianus tertius, 32).