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Page:Le Songe de Poliphile - trad. Popelin - tome 2.pdf/10

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paire de petites ailes arrondies à ses divines épaules, environné d’une lumière inconnue et tout à fait extraordinaire. Je contemplais fixement cette vision, non sans que mes yeux en fussent lésés, quand je l’entendis éclater avec une impétuosité plus soudaine que celle de l’éclair, résultat fulminant de l’eau, du feu, de la nuée et du vent. Mon cœur fut rempli d’effroi ; ce dont s’apercevant, la sacrificatrice me fit signe de ne pas m’épouvanter et de me taire.

Ce bel enfant tenait d’une de ses mains potelées une couronne de myrte, de l’autre une petite flèche toute scintillante d’un feu vif. Le sommet de sa divine tête, aux fils d’or frisés, était ceint d’un diadème de diamants des plus splendides. Il voltigea trois fois autour de l’autel incandescent et fumant ; à la dernière, il s’évapora dans l’air sans qu’on y eût touché, en manière de fumée nébuleuse, et, devant les yeux éblouis, il s’évanouit et disparut incontinent.

Ayant vu, plein de terreur, ces faits mystérieux et divins, admirables dans leur apparition, je me les représentai quelque temps en l’esprit, et j’y pensai avec une religieuse horreur. Peu après l’intrépide directrice fit lever toutes les vierges et, tenant en sa main purifiée une baguette en or, elle donna l’ordre à ma très-précieuse Polia, tandis qu’elle même lisait dans le rituel ouvert et tenu devant elle par la prêtresse enfant, de recueillir les cendres du sacrifice consommé et de le faire avec les rites voulus.

Polia, ayant pris de ces cendres avec recueillement, les tamisa en rond sur la marche sacrée de l’autel, au moyen d’un crible en or destiné à cet usage ; ce dont elle s’acquitta aussi adroitement que si elle n’eût jamais rien fait d’autre. Alors la savante directrice, lui étendant l’annulaire et lui contractant les autres doigts, lui fit tracer correctement et avec le plus grand