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Page:Le Songe de Poliphile - trad. Popelin - tome 2.pdf/9

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dans le præféricule. Ces tourterelles immolées, jetées dans la flamme odorante, furent brûlées. L’interprète des rubriques du rituel se prit à chanter et à psalmodier, puis toutes les assistantes psalmodièrent également en alternant avec elle. Mais la grande prêtresse, comme chef des chœurs de ballet, donna le signal de la danse. Deux vierges la précédaient qui, de leur flûte de Lydie, jouèrent très-suavement sur le mode et le ton de cette contrée, comme Amphion l’eût su faire. Polia et les autres vierges suivirent à la file, tenant en main un rameau de myrte odorant et fleuri. Or donc, dansant en mesure, avec les attitudes, avec les pas voulus, à distance égale l’une de l’autre, sautant comme en des bacchanales solennelles et religieuses, elles émettaient des intonations vocales concordant avec la musique et s’échappant de leur poitrine virginale, répercutées en une incroyable symphonie sous la coupole close. Elles allaient autour de l’autel allumé, chantant ainsi : « O feu sacré, feu parfumé ! fonds la glace de n’importe quel cœur, apaise amoureusement Vénus et communique-nous son ardeur ! » Elles tournaient, en chantant et flûtant sur leur mode mystérieux, se livrant à des danses élégantes, pendant que le sacrifice se consommait. Bientôt la petite flamme s’éteignant se mit à fumer. Je compris que ces aromates avaient été placés là pour neutraliser l’odeur des chairs grillées, ce à quoi ils suffisaient outre mesure. Donc, pas plus tôt la flamme éteinte, toutes les vierges, moins Polia, se prosternèrent précipitament sur le pavé. Après quoi il ne se passa guère de temps sans que je visse manifestement sortir de la fumée sainte un charmant petit enfant fatidique, d’une forme surhumaine et d’une beauté telle que le langage le plus exercé, la plus grande recherche d’expression ne pourraient en donner l’idée. Il apparaissait avec une