Page:Le Stylet en langue de carpe.djvu/123

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rang de surin. Je continue à détailler mon stylet. La poignée est ciselée. On y voit Satan avec une fourche, heureux et la gueule hilare. Cette ironie est bien vénitienne. Cela signifie que l’on n’admirera pas le stylet sans devenir aussitôt bon pour les chaudières infernales. Le pommeau forme une sphère sur laquelle on a dessiné trop légèrement des choses invisibles. Les pièces en ont été montées avec un art patient. Une marque de fondeur siège sur le ricasso, une licorne ou un cheval.

Dans la main, chose curieuse, ce bibelot donne spontanément envie de tuer. On voudrait le voir rentrer vite dans une chair. Il plairait de percevoir, sitôt que les quillons ont heurté le vêtement, et que la lame est toute insérée où il faut, la stupeur horrifiée de celui qui va tomber, et mourir tandis que vous remettrez l’arme sur vous, dans sa cachette, à la hanche, où doit l’attendre un fourreau de cuir, voire dans l’étui plat qui sert en sus de bouclier inconnu et invisible sur le ventre.