Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/44

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LE SYLPHE Ils vous répondraient tous que sur ce front morose De si graves projets semblent passer qu'on n'ose Parler, et qu'à son front une auréole luit; Qu'à l'heure où l'on entend chanter des sérénades, Il va le soir errer dans l'ombre des arcades, Si fier que les seigneurs se courbent devant lui ! Ils vous diraient encor, qu'ainsi que de la fange Dieu tira l'homme un jour, mêlant la bête à l'ange, Cet homme dans le marbre aux coups de son ciseau Faisait naître des corps blancs comme la lumière Et que lui-même un jour avait dit que la pierre S'agitait devant lui comme au vent le roseau ! O vieux Buonarotti, pourquoi donc à ton œuvre T'acharner nuit et jour ? Est-ce que la Couleuvre De l'Envie avait pu monter jusqu'à ton cœur? Craignais-tu Léonard ? Craignais-tu le Bramante ? Ou bien avais-tu donc promis à ton amante De t'élever plus haut que l'Eternel Sculpteur ? Non ! Tu ne craignais rien et les gloires rivales Comme les bas-reliefs des peintures murales S'étendaient à tes pieds sans monter jusqu'à toi! Ton cœur avait vieilli sans l'amour d'une femme, Tu ciselais toujours parce que sur ton âme Le Désespoir pesait comme. une dure loi! Tu te sentais mourir ! O rude Michel-Ange, Quand le marbre assoupli comme une molle fange Enfantait des géants sous ton ciseau divin, Hors d'haleine et penché sur l'œuvre de ton rêve, Tu n'osais au travail un instant faire trêve Pour essuyer ton front du revers de ta main !