Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/52

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LE SYLPHE MATIN L'odeur des foins coupés monte au ciel, par bouffées, Les blés font et refont leurs ondulations, Et sur les gazons verts, les frileuses rosées Font dans les brins nerveux courir de longs frissons. La fleur conte à l'Azur je ne sais quelle histoire, Et l'hirondelle au bec fin, au reflet changeant, Vole, égratignant l'onde avec son aile noire, Eparpillant dans l'air l'écume aux bords d'argent. Un mur couleur gris-perle et zébré de crevasses Semble rire en voyant sur son dos cahoteux La vigne, aux pieds tortus, aux racines tenaces Grimper, en se mêlant aux volubilis bleus. Plus loin, une masure où des chaumes antiques Tombent du haut du toit comme des cheveux gris, Laisse parfois grincer les gonds mélancoliques De sa porte qui bâille avec ses ais pourris. La vitre a des reflets bleus, chatoyants, superbes, Et, sur le seuil de pierre où le Temps vient poser Sa main, laissant la place aux maigres touffes d'herbes, Le soleil qui se lève applique un long baiser. Et, vers l'horizon sombre où plane le mystère, De grands bœufs nonchalants aux flancs larges et roux Traînent leur rêverie étrange et solitaire, Au grand firmament d'or roulant leurs grands yeux doux. O. SHELM'ORR.