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de la Nouvelle France ou Canada.

mer. Ils en vivent & le mangent tout cru quand il est encore tout chaud ; ils en boivent le ſang ; ils en font ſeicher auſſy au ſoleil pour manger le long de l’année. Ils ſ’habillent fort commodement de cette peau ſous laquelle ils mettent des peaux d’oyſeaux ſur leur estomach & ſur le dos pour ſe tenir chaudement. Ils font auſſy leur canots de cette peau qu’ils couſent de toutes parts en ſorte que l’eau n’y peut entrer. Ils n’y reſervent qu’un trou de la groſſeur de leurs corps dans lequel ils ſe mettent & puis ſe ſerrent ſi bien de la même peau de loup marin qu’elle les ceint comme quand on ferme une bource en tirant les cordons des deux coſtés ; en cette ſorte un Sauvage eſt toujours entre deux eaux ſans enfoncer ny prendre d’eau ; il tient un aviron en main qui a deux paiſles aux deux extrémités, & ſ’en ſert de quel bout il veut ; ce ſont les nageoires de ſon canot qui eſt fait comme un eſturgeon renverſé ſur le dos ; avec ces ſortes de canots ils vont en pleine mer & descendent quand bon leur ſemble ſur les glaces ; en mer ils tuent des ours blancs qui font la traverſe ſur les glaces, des loups marins & autres poiſſons qu’ils mangent tout crus comme j’ay déjà dit parce qu’ils ne font point de feu. Ils ne mangent pas de pain & n’en veulent pas même manger ni boire d’eau de vie. Ils ne ſçavent ce que c’eſt que d’uſer de tabac, qui eſt ſi ordinaire à tout le reſte des Sauvages. Ces barbares ſont fort nombreux, & très redoutables à leur