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THÉÂTRE DE LA RÉVOLUTION

Just est loin, et dompte les armées. Je reste seul au milieu de ces traîtres, qui tournent autour de moi, cherchant à me frapper par derrière. Ils me tueront, Éléonore.

ÉLÉONORE, lui prenant la main avec une vivacité juvénile.

Si vous mourez, vous ne mourrez pas seul.

Robespierre la regarde affectueusement. Elle rougit.
ROBESPIERRE.

Chère Éléonore, non, vous ne mourrez pas. Je suis plus fort que mes lâches ennemis. J’ai avec moi la Vérité.

ÉLÉONORE.

Ah ! quels soucis vous rongent, quand vous devriez être si heureux, vous qui travaillez au bonheur de tous ! Que la vie est injuste !

ROBESPIERRE.

Je vous ai attristée. J’ai eu tort de flétrir votre confiance dans la vie. Pardon.

ÉLÉONORE.

Ne regrettez rien. Je suis fière de votre confiance. Toute la nuit, j’ai pensé à ces pages de Rousseau, que vous nous avez lues hier. Elles berçaient délicieusement mon âme. J’entendais le son de votre voix, et ces tendres paroles… oh ! je les sais par cœur.

ROBESPIERRE, récitant, avec un sourire d’affection un peu mélancolique, un peu emphatique, sincère toutefois :

« La communication des cœurs imprime à la tristesse je ne sais quoi de doux et de touchant, que n’a pas le contentement, et l’amitié a été spécialement donnée aux malheureux pour le soulagement de leurs maux et la consolation de leurs peines. » Éléonore, sa main dans la main de Robespierre, se tait, souriante et rougissante. Vous vous taisez ?

ÉLÉONORE, récitant.

« Jamais ce qu’on dit à son ami peut-il valoir ce qu’on sent à ses côtés ? »