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LE 14 JUILLET

HULIN.

Ce n’est pas parce qu’il est corrompu, qu’il n’a pas besoin de service. Vous ne demandez pas à ceux que vous soignez s’ils sont bons ou mauvais. Ce sont des hommes, c’est-à-dire de pauvres diables comme nous. Quand ils ont besoin d’un coup de main, il faut le leur donner sans marchander. Mon maître, comme tant d’autres, est atrophié par la richesse. Il ne peut se suffire à lui-même ; il lui faut cinquante bras pour le servir. Moi, j’ai trois fois plus de force qu’il ne m’en faut pour moi-même ; je ne sais à quoi l’employer. De temps en temps, j’ai envie de briser quelque chose pour me soulager. Puisque cet imbécile a besoin de ma force, je la lui vends. Nous sommes quittes. Je lui fais du bien, et à moi aussi.

MARAT.

Tu vends aussi ton âme libre, ta conscience.

HULIN.

Qui parle de cela ? Je défie bien qui que ce soit de me la prendre.

MARAT.

Tu te soumets pourtant. Tu ne dis point ta pensée.

HULIN.

Qu’ai-je besoin de la dire ? Je la connais. Bon pour ceux qui n’en sont point sûrs, de la crier aux vents ! Ce n’est pas pour les autres que je pense, c’est pour moi.

MARAT.

Rien n’est à toi de ce qui est en toi. Tu ne t’appartiens pas, tu es solidaire du monde. Tu lui dois ta force, ta volonté, ton intelligence, — si peu que tu en aies.

HULIN.

La volonté et l’intelligence ne sont pas une monnaie qui se donne. L’ouvrage qu’on fait pour les autres est de l’ouvrage mal fait. Je me suis fait libre. Qu’ils fassent comme moi !